Difficile de parler d’un film comme Prometheus tant il a fait du bruit auprès du public cinéphile, notamment les fans du tout premier Alien du même réalisateur : pétard mouillé, promotion mensongère honteuse, un film qui laissait plus de question que de réponse, un navet pour certains, sans oublier ce vieux Ridley Scott qui s’est constamment fait descendre par le public et la critique avec ses deux films sortis à la suite, Cartel et Exodus.
Le projet d’un préquel sur l’univers d’Alien ne remonte pourtant pas d’hier. A la base, elle devait servir comme tel au grand classique de la science-fiction d’horreur qu’est le génial Alien : le huitième passager. Sauf que le script a évolué entre les mains de Damon Lindeloof (on va en reparler) pour devenir un projet original qui se déroule 30 ans avant Alien premier du nom. Ridley Scott n’était pas programmé pour être le réalisateur au départ, mais la Fox ne voulant pas faire le film sans lui, il a finalement accepté et après plusieurs relectures du script du Lindeloof et Jon Spaihts, il décide d’en faire une saga de film destiné à défier la saga Avatar de James Cameron, sauf que l’ambition c’est bien et c’est une chose mais le traitement d’un film et sa promotion en sont deux autres.
Je n’ai absolument pas suivi la promo autour de ce film puisqu’en 2012, c'était pas une préoccupation majeur. Du coup, en le revoyant, je me sens moins affecté ou frustré par les attentes des fans de l’univers d’Alien vis-à-vis des promesses faites et non tenus par le film. Et si Ridley Scott n’a pas été bien honnête sur son film (quant il a dit qu’il voulait
nous foutre la trouille comme jamais
et que le résultat final est tout autre, il y a de quoi pinailler en long et en large), ce n’est pas le premier à blâmer, mais on y reviendra. Mais, j’ai envie de demander, si un film qui ment sur sa marchandise n’a rien à offrir ? Parce qu’ici, malgré cela, il y a beaucoup de bien à en dire.
A commencer par la direction artistique absolument sublime et un vrai travail d’ambiance qui manque à de nombreux films de science-fiction dernièrement. Tant sur la mise en image de Ridley Scott que sur le travail musical, il y a une vraie atmosphère qui ressort des images de Prometheus. Ridley Scott a beau avoir menti sur la nature de son film, ça veut pas dire pour autant qu’il n’en a rien à secouer : que ça soit la composition de ses cadres, les plans en hélicoptère sur les paysages de la planète LV 223 ou de l’intérieur vaisseau des ingénieurs, les quelques scènes d’action ou sur Terre, il cherche toujours à mettre en valeur la culture et la civilisation ancestrale d'une civilisation, comme il l'a fait auparavant dans Kingdom of Heaven ou après dans Exodus.
C’est juste regrettable qu’il met son talent au service d’un script très brouillon qui hésite constamment à décider si il veut faire un préquel à Alien ou raconter une histoire indépendant dans le même univers. Et ce sans parler du reste.
Et artistiquement aussi ça en jette, que ça soit le travail sur la photographie de Darius Wolski avec un filtre gris légèrement nuancé, les décors du vaisseau des ingénieurs, les effets visuels ou la technologie du film. D’ailleurs, certains ont râlé sur la présence de cette technologie trop avancé comparé aux précédents films sur l’univers. On peut partir de la théorie que ce film se déroule 30 ans avant les événements du premier Alien, et que la technologie s’est fortement dégradé entre temps. Autre élément qui peut appuyer cette idée, c’est la fin de la Director’s Cut du Alien : Résurrection de Jean-Pierre Jeunet
ou l’on voit Ellen Ripley et Annalee devant une ville sur Terre entièrement ravagé et une planète devenu incroyablement hostile.
La suite prévu en 2017 apportera davantage de réponse à ce sujet, mais pour l'instant je suis prêt à l’accepter.
Marc Streitenfield marquait ici sa cinquième collaboration avec Ridley Scott pour la musique, avec une collaboration discrète d’Harry Gregson-Williams pour certains morceaux. J’étais loin d’être friand pour son travail sur Robin des bois, mais il se rattrape très bien ici, notamment pour les thèmes principaux comme A Planet, ou Life (de Gregson Williams) toutes deux magnifiques à écouter. Cela ne fait que renforcer l’ambiance apporté par les décors et l’imagerie, là non plus par de problème.
Par contre, pour en revenir au scénario, c’est là que les grosses emmerdes viennent, la faute revenant à Damon Lindeloof, le scénariste de la série Lost sur lequel beaucoup ont craché sur sa fim. Parce que en dehors de Prometheus, Tomorrowland de Brad Bird et Star Trek : Into Darkness aussi ont le droit à des incohérences ou des facilités d’écriture ridicules digne de l’œuvre de Ridley Scott (comme l’univers insuffisamment développé dans Tomorrowland, un antagoniste décevant dans le film d’Abrams en plus de coup de théâtre déjà vu ou inutile, ainsi que des dialogues inutilement long ou complexifié, etc…), la seule différence étant que si Prometheus se fait davantage laminé par le public, c’est à cause de l’univers auquel il est lié et que la bande-annonce n’a absolument rien à voir avec l’ambiance finale de l’œuvre. Car tenez-vous le pour dit, si jamais vous le regardez : ça n’est pas un film d’horreur, c’est un film d’aventure aux apparences de préquel qui ne s’assume pas.
Pourtant, dés la première demi-heure le film part très bien j’ai envie de dire : l’ambiance et l’histoire s’installent, de même pour les personnages comme celui d’Elisabeth Shaw ou de Charlie Holloway, et celui de David dont les 2 minutes mis en image l’expose comme il faut, un androïde cultivé qui veut comprendre l’être humain
(je passerais sur le fait qu’il arrive à comprendre la culture des ingénieurs sans mal, son intelligence y étant pour beaucoup).
Et les acteurs font tous un excellent travail, Noomi Rapace et Michael Fassbender en premier. Même Guy Pearce bien qu’il soit, encore une fois, frappée par la malédiction de ses choix de rôles. Et le film semble partir sur une histoire bel et bien indépendante aux autres films dans l’univers d’Alien.
Mais une fois le premier quart du film dépassé, Prometheus va lentement et de plus en plus accumuler à la fois des incohérences, des questions qui n’auront aucune réponse et des comportements idiots. Et si on ajoute à cela que l’histoire ne se décide jamais si il veut être un préquel ou un film indépendant, Prometheus devient incroyablement confus. Et c’est pas mieux niveau personnage : si on excepte les personnages de Shaw, David, Janek et Charlie, le reste est réduit à une bande de gros incompétent.
Malgré la beauté du visuel et le casting, il devient difficile de rentrer dans cette histoire tant les trois derniers tiers du film se plantent constamment :
entre Milburn (que je vais appeler Antoine Daniel Bis à cause de sa tête) et Fifield qui se perdent comme des guignols dans les grottes alors que Fifield est un géologue, Milburn qui fait débilement mumuse avec un extra-terrestre sorti du liquide noire des jarres alors qu’il ne sait même pas ce que c’est, l’équipe du Prometheus qui ouvre stupidement la porte à Fifield transformé en mutant incontrôlable alors qu’il était supposé mort (un passage idiot qui ne fait qu’apporter des morts inutiles... fallait mieux choisir les membres de l'équipage), Shaw qui arrive sans mal à échapper au deux scientifique qui l’ont mise en quarantaine et qui ne semble pas pressé de la poursuivre, Weyland qui arrive de manière très forcé avec un Guy Pearce qui gagne un autre mauvais rôle (malgré un excellent maquillage), le personnage de Vickers mal exploité en plus d’être réduite à une inconsciente idiote dans le climax avec une mort débile comme pas possible (je ferais pas de vanne sur cette scène, tout le monde l’a déjà fait), les ingénieurs dont on ignore pourquoi ils souhaitent exterminer la race humaine alors qu’ils l’ont eux-mêmes crées,
bref, c’est un énorme festival à ce niveau là.
En plus de cela, le film est incrusté de nombreuses références aux précédents opus de la saga : lorsque ça n’est que de la référence
comme David qui fait du basket, aucun problème et si on aime les précédents films,
ça peut faire sourire. Mais quand c’est le Space Jokey
ou le vaisseau de l’ingénieur qui est mis en valeur, et qu’il devient un élément proche du scénario,
l’aspect préquel revient alors que Ridley Scott a affirmé que ce film était indépendant. Mais du coup si on le prend pour un préquel, l’intérêt du film sur ce point devient discutable puisque la planète n’est pas la même que dans le film de 1979 puisque le nom de celle-ci est LV 426.
Et il faut au final attendre le derniers tiers pour apprendre que LV 223 n’était qu’une base militaire pour les ingénieurs, et non pas leur planète d’origine.
Les réponses sur l’origine de l’humanité n’arrivent finalement jamais pendant ces 2 heures.
C’est du coup compréhensible que certains en ressortent frustré ou qualifie ce film de gros pétard mouillé, parce qu’il y a des idées qui valaient le coup d’être bien exploité. Rien qu’à travers le personnage de Shaw et sa quête de réponse en tant qu’archéologue sur l’avènement de l’humanité et sur dieu, l’approche religieuse avec la culture des ingénieurs,
la présence discrète d’un Xénomorphe crucifié dans le vaisseau, sans oublier la naissance de la première mutation entre un ingénieur et un alien.
Ce qui sauve cette avalanche de maladresses et de débilité dans le scénario, c’est l’ambition qui ressort de ce film. Malgré tout ce qu’on peut reprocher, on sent que ce film veut raconter une vraie épopée… une épopée avec un script terriblement brouillon mais les intentions sont là. Plusieurs scènes coupées du film auraient même mérité d’être présent,
comme l’introduction qui prend plus son temps et passe du sacrifice au rituel de l’ensemencement de la vie intelligente, ou le réveil de l’ingénieur qui prend bien plus son temps et a un bien meilleur rythme dans la version coupé au montage.
Prometheus : c’est un cas fascinant à découvrir, et malgré toutes les moqueries dont il fait l’objet, j’ai été pris dans cette odyssée aussi maladroite soit-elle. Et vu que Lindeloof ne sera pas au scénario pour la suite, je répondrais présent en salle avec Alien : Covenant, Ridley Scott étant toujours à la réalisation, Michael Fassbender de retour et avec cette fois Harry Gregson-Williams à la musique.