Si il y a bien une difficulté quand on traite d'un sujet majeur et d'actualité tel que l'extraction du gaz de schiste, c'est de prendre le parti de l'un ou de l'autre et d'assumer totalement son propos. En général ça sera toujours le parti du pauvre citoyen qui sera présenté, ce qui dans ce cas de figure est un choix intéressant, permettant d'adresser à l'auditoire un message, de l'information qu'il sera apte à faire circuler par lui-même ensuite. Ce que Gasland à fait quelques années auparavant, mettant à jour toute une industrie carnassière et prête à tout pour récupérer les terrains sources de gaz, ainsi que les conséquences sur les habitants et la nature aux alentours.
Ici le scénario de John Krasinski et Matt Damon décide de prendre le parti de l'autre côté, celui de l'industrie qui pèse 9 milliards. Un duo de scénaristes qu'on retrouvera à l'écran, Damon interprétant le représentant au beau sourire bright et Krasinski l'écolo tout aussi séduisant. Matt Damon, pensant réussir à régler encore une affaire les doigts dans le nez en prétextant la crise économique et filant des pots de vin à qui l'entend se retrouve finalement face à une population inquiète et au courant des conséquences que peuvent avoir la fracturation du sol. Décidant donc de voter, celui-ci s'engage donc dans une campagne de séduction, qui il faut le dire, tombe complètement à plat, celui-ci ne sachant ni quoi faire, ni comment faire pour convaincre les habitants de signer les précieux contrats. Se perdant dans une romance avec une jeune professeure du coin, il se retrouvera complètement paumé, embarquant le spectateur avec lui dans une trame dénuée d'enjeux et d'intérêt.
Si on prend l'exemple d'un film comme Thank You For Smoking qui traite lui aussi des lobbys et des grosses industries, tout en réussissant à critiquer aussi bien le côté blanc que le côté noir, on se demande bien ce qu'ont cherchés nos deux scénaristes à retranscrire ici, le film se perdant dans une mélasse tire-larmes dénuée d'émotions et d'idées claires. Se basant sur une structure narrative éculée et sur un personnage ambivalent dont on sait pourtant dès le départ dans quel camp il se situera finalement, Promised Land filme des personnages et des situations sans intérêts, enchaînant les évènements et les complications qu'une campagne de séduction d'un public peut avoir. Entre entourloupes, pots de vin, porte à porte et proximité, le film nous dépeint tout ce que n'importe quel film politique à déjà pu nous présenter. La différence étant que nous sommes dans une petite ville de campagne que dans une grande métropole. Le problème étant que, en quoi cela apprend t-il quelque chose au spectateur ?
Car il est bien là le défaut majeur de ce nouveau Gus Van Sant. Préférant se concentrer sur les personnages, sur leur humanité, et se concentrant inutilement sur une relation amoureuse, le spectateur se retrouve complètement en dehors du sujet, celui-ci étant de toute manière mis complètement de côté afin de servir un autre propos apparemment beaucoup plus important : les industries sont méchantes, les citoyens sont pauvres mais dignes.
On pensait pourtant être sorti de ce terrain sableux et surtout complètement idiot, mais il faut croire que Promised Land est ici pour nous le rappeler. Entres les allusions au fait que les industriels sont sans humour, solitaires et sans humanité tandis que les citoyens sont méfiants mais honnêtes (la petite fille qui rend la monnaie à la fin, une honte), humains mais fermes (le vieux qui invite malgré tout le mal à manger à sa table) et surtout, qu'ils prennent soin du bien d'autrui, le film s'enferme dans un sempiternel vivier à clichés.
Le plus triste étant cette structure narrative inintéressante au possible, celle-ci n'étant qu'un récit initiatique bateau, ne cherchant jamais à bouleverser un tant soit peu sa linéarité. On se retrouve donc avec un héros fade, sans identité propre ni personnalité, qui évoluera tant bien que mal au travers de ce sujet d'actualité, qui n'est au final qu'un prétexte au drame gentillet. Mais ce qui est d'autant plus étonnant, c'est à quel point Van Sant ne fait rien pour insuffler un tant soit peu d'intérêt, de poésie à sa photographie terriblement banale. Absolument rien, à part la répétition du plan d'ouverture faisant référence au gaz ne ressortira de tout cela, pas même la composition de Danny Elfman.
Au final ce Promised Land est un joli raté après une réussite telle que Restless. Enfermé dans les clichés, basé sur une structure narrative inappropriée et linéaire, ne cherchant jamais à informer ou faire réfléchir un tant soit peu sur le sujet du gaz de schiste, Promised Land est un film vain et inutile. Servi pourtant pas un casting bien choisi, les différents personnages n'auront aucune incidence, aucune personnalité, cherchant plus à faire dire au spectateur que "ohlala, les industriels sont vraiment méchants !". Mais c'est surtout dans cette absence totale d'enjeux, le spectateur sachant déjà exactement à quoi s'attendre au départ, que le film loupe le coche. Quel était l'intérêt de nous faire croire à un personnage sans pitié, sans morale mais pas trop non plus, jusque dans les dix dernières minutes, si c'est pour qu'il décide subitement de changer de camp ?
Si vous recherchez un tant soit peu de dérision et de dénonciation, préférez lui un Thank You For Smoking réflexif et drôle. Et si vous cherchez simplement à en apprendre plus sur le sujet, tournez vous vers Gasland et sa plongée dans l'univers de l'exploitation du gaz.