Typique des productions de la fin des années 70, Prophecy n’a pourtant pas laissé une trace mémorable dans l’histoire. Peu diffusé à la télévision, ce survival écolo avec méchant monstre mutant est pourtant efficace et tout à fait divertissant. Le message est certes caricatural, le film bénéficie d’un cadre de toute beauté qui le sert parfaitement. On a même droit à un passage pédagogique sur la construction du papier qui concourt à ancrer le récit dans la réalité. S’il effleure la question d’une civilisation indienne, toujours proche de la nature mais marquée désormais par la culture occidentale, c’est amené avec trop peu de subtilité pour convaincre (Armand Assante en Indien, on n’y croit pas vraiment). La limite du film de John Frankenheimer se situe sûrement : tout n’est prétexte qu’à construire le cadre d’une histoire qui met en scène un monstre, dans la lignée des films japonais qui ont épuisé le filon de Godzilla. Le discours politique n’est finalement qu’un prétexte pour offrir un spectacle gentiment effrayant.
Si on doit considérer le résultat comme une série B, force est de constater que c’est bien mené. Le récit suit avec efficacité les grandes lignes de ce qui doit être dit et montré. Décrié aujourd’hui, le monstre, quant à lui, fait le job. Certains de ses déplacements manquent évidemment de réalisme, mais Frankenheimer a l’intelligence de ne pas trop le montrer ou alors de miser sur l’effet de surprise pour empêcher qu’on s’attarde tout à fait sur ses défauts. Sur la fin, en revanche, les péripéties sont certainement trop ambitieuses au regard du potentiel des effets spéciaux à disposition, ce qui donne lieu à quelques scènes à la limite du risible.
L’objectif est cependant atteint : Prophecy est un film divertissant qui apporte quelques nouveautés dans le genre. La richesse de ses décors naturels, la qualité de ses interprètes principaux, la musique de Jerry Goldsmith et le propos sont convaincants. On imagine bien qu’en 1979, le filon des vilaines bêbêtes s’épuisait et que le film ne remporta pas pour cette raison le succès escompté. À le regarder plus de quarante ans après, hors contexte, c’est pourtant un petit film sympathique qui se défend.