La chose se dessine peu à peu, il y a dans la carrière de Miklós Jancsó deux aspects : un côté postérieur qui verse dans un symbolisme puissant, et un côté antérieur (a priori, à confirmer) qui est plus en prise avec un certain pragmatisme de mise en scène. Manifestement c'est la seconde partie qui me plaît davantage, comme a pu en témoigner le magnifique "Rouges et Blancs", et "Psaume rouge" appartient tout aussi clairement à la première, aux côtés de films aussi baroques que "Le Cœur du tyran". Pas ma tasse de thé.
J'aurais tendance à rapprocher cet exercice de style hongrois du cinéma de Serguei Paradjanov (un contemporain de Jancsó côté soviétique) : c'est du symbolisme très fort, allégorie d'une histoire nationale — en l'occurrence la Hongrie du XIXe siècle, à l'époque de révoltes paysannes qui grondent contre les seigneurs. Même hermétisme en tous cas en ce qui me concerne : les partis pris ont beau être parfaitement assumés et s'accompagner de moments esthétiquement attachants, je reste puissamment cloué au sol devant une telle forme d'abstraction.
"Psaume rouge" est composé essentiellement d'une série d’une vingtaine de scènes, une vingtaine de plans-séquence qui compose un tableau du monde agricole sous la forme de ballades politiques qu'on pourrait nommer "folk hongroise". Le regard oscille constamment entre les opprimés et leurs oppresseurs, entre révolution et répression, au cœur d'un ballet cinématographique vraiment éreintant au bout de quelques minutes seulement (j'ai su très vite que le style n'allait pas être une partie de plaisir). Pourtant il y a de nombreux symboles que j'ai pu apprécier, comme notamment l'utilisation de la nudité ou de la couleur rouge pour figure, par exemple, la blessure dans la main d'une femme au travers d'un bout de tissu. Le rapport au temps est en outre très particuliers, le film procède par sursauts à la fois brusques et fluides. Sur le papier tout est réuni pour confectionner une ode à la révolte socialiste contre les propriétaires terriens, mais l'exercice de style métaphorique aura été bien trop exigeant pour me laisser embrasser les enjeux politiques.