(Légers "spoils", à vos risques et périls...)

Un film lent, en noir et blanc, à petit budget, au suspense classique...

Oui mais voilà. C'est un film d'Alfred Hitchcok. Et c'est un chef d'oeuvre.

La photographie est somptueuse. Le jeu du noir et du blanc, des ombres et de la lumière, le manoir dans les ténèbres, le lieu du crime éclairé, tout est là pour créer une ambiance particulière. Une ambiance noire, certes, et une ambiance malsaine. La prédominance de la pénombre lorsque l'histoire se déroule au manoir est bluffante de maîtrise et de discrétion. Sans pavaner, sans esbroufe quelconque, Hitchcock fait exactement ce qu'il faut pour faire plonger le spectateur dans une inquiétude constante.

Les plans s'enchaînent parfois rapidement, contrairement aux acteurs qui prennent leur temps. Ainsi, après le meurtre, le tueur prend bien soin de tout nettoyer et tout est montré. Du crime jusqu'à l'extinction des feux. Anthony Perkins est glaçant, tant dans sa gestuelle quasiment robotique que dans son regard et sa double personnalité. Constamment, on lit dans ses yeux des choses qu'il ne dit pas, qu’il passe sous silence. On le ressent, en l'observant, en le regardant observer les autres. Lorsqu'il est parfaitement connecté à la réalité, il arrive à être ailleurs et à nous le montrer.

Quelques scènes, cultes, viennent ponctuer un scénario classique mais ficelé avec une précision ultime. Tout est là. De la situation quotidienne aux meurtres, de l'enquête à la chasse à l'homme, de l'ambiance feutrée du départ à la musique aux violons stridente et déconcertante. Hitchcock sait comme personne installer ses personnages et faire monter la pression, petit à petit, sans se presser.

La scène qui caractérise le plus sa manière de faire vivre ses personnages et de les malmener est sans aucun doute celle du détective et de Norman Bates. Pendant de longues minutes, les deux se jaugent, se testent, dans un face à face jouissif et calibré aux petits oignons. Norman, d'abord confiant, voit son mensonge face au détective s'étioler de plus en plus jusqu'à devenir risible. Non, il n'a pas pu être seul dans son motel pendant des semaines et oui, il connait bien la femme qu'il est en train de chercher - désespérément, puisqu'elle est déjà morte. Perkins à l'assurance la plus totale bégaie, mange ses débuts de phrase, sourit bêtement. Ce n'est que partie remise se dit-il. Les rôles s'inverseront.

La scène de la douche est un véritable exemple de maîtrise, également. Le fait que le spectateur soit trimbalé de points de vue en points de vue, tantôt pour être à la place du tueur, tantôt à la place de la victime. Il perd tout repère, toute stabilité. Ces cris, ce rideau de douche, cette main qui glisse. Puis cette ombre, tout près, cette porte qui s'ouvre. Gus Van Sant a bien essayé de reproduire la scène mais comment refaire à sa sauce le meurtre le plus célèbre sans faire moins bien ?

Cette oeuvre est la pièce maîtresse de sa filmographie.

Psychose est un chef d'oeuvre parce que cinquante ans après, le film reste intact et la peur toujours palpable. Il n'y a pas besoin d'effusion de sang. Pas besoin d'effets spéciaux grandiloquents. Ce film est la clé de tout et un chef d'orchestre bien difficile à suivre : c'est le Graal des films d'horreur qu'on appelle "psychologiques" un peu comme vingt ans plus tard le deviendra Shining de Kubrick.

Psychose est unique et gravé dans le temps, comme un monument fondé il y a fort longtemps dont on ignore encore les mystères qui entourent son édification aujourd'hui.

Créée

le 8 mai 2014

Modifiée

le 15 août 2014

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EvyNadler

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