Dédale & hilares
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Dans le cadre de ma relecture de la filmographie de Quentin Tarantino et sur l’empressement d’un ami qui s’étonnait que je n’aie jamais vu la Palme d’Or du cinéaste américain, je découvre tardivement ce classique. Si j’ai pris un plaisir certain au visionnage du film, je situerai tout de même ce film en dessous d’autres œuvres du cinéaste américain.
Deux tueurs à gage philosophes, un dangereux gangster mariée à une séduisante toxicomane, un boxeur sur le retour, un caïd élégant, deux tourtereaux à la gâchette facile vont voir leur destin se croiser au cours d'une odyssée sanglante dans la jungle de Los Angeles.
Le début du film m’a beaucoup déstabilisé. L'enchaînement des vignettes m’a semblé incompréhensible, mais j'ai fini par me rendre compte que le film est complètement fragmenté et désorganisé, fait de trois histoires. En comparaison, ‘Inglorious Basterds’ est plus linéaire, mais Tarantino réunit tous les fils narratifs avec plus de brio.
Cela dit, il faut saluer la grande modernité et l’audace de cette narration éparpillée façon puzzle, comme dirait Bernard Blier dans ‘Les Tontons Flingueurs’. Car finalement les intrigues finissent par se croiser et s’imbriquer entre elles, grâce à des détails insignifiants au premier regard comme ces chemises hawaïennes dont s’affublent Samuel L. Jackson et John Travolta incompréhensibles en premier lieu mais qui prennent tout leur sens par la suite.
Sous ses allures de divertissement, il faut saluer la grande qualité d’écriture du film. Celle de sa structure, comme on vient de le voir mais surtout celle de ses dialogues et de ses situations. Comme dans ‘Les Tontons flingueurs’, on ne compte plus les répliques cultes, comme ce cultissime « I'm pretty fuckin' far from okay. ». Ou comme ce dialogue entre Eric Stolz et Uma Thurman : - Lance : « Are you all right ? Tell us something. » - Mia Wallace: « Something. ». Il n’y a vraiment que Tarantino pour se faire succéder un débat sur le royal cheese ou sur les massages de pieds et une citation biblique du livre d’Ezéchiel.
Le sel du film, ce sont indubitablement ses personnages qui semblent avoir grandement inspirés Tarantino. Ils sont parfaitement caractérisés principalement grâce à leur look. On croise entre autres une Uma Thurman qui a la coupe d’Anna Karina dans les films de Godard, une Rosanna Arquette au look impayable. Quant à Samuel L. Jackson et John Travolta, ils sont d’une classe infinie tant en costume qu’en chemise hawaïenne plus décontractée.
De ces nombreux personnages, Tarantino orchestre assez brillamment leurs rencontres comme celle entre Marsellus, Blutch (Bruce Willis) et ce chasseur de primes plutôt pervers. Et c’est peut dire que ça va mal se passer. Ou comme celui final entre Samuel L. Jackson et Tim Roth dans le dinner. Mais mes scènes préférées sont celles entre Uma Thurman (absolument délicieuse) et John Travolta, y compris la brillante scène du twist. On sent la connivence entre les deux acteurs qui s’amusent à se donner la réplique.
Malgré son aspect grand publique et déconneur, le film n’est pas exempt de profondeur. Sans pour autant faire preuve d’un pesant esprit de sérieux (pour en juger, rappelons que les toilettes reviennent dans le film de façon récurrente). Dans l’une des dernières scènes du film, la discussion entre Samuel L. Jackson et Travolta se veut philosophique, dissertant sur les événements qu’ils viennent de vivre. Est-ce une intervention de Dieu ou un pur coup de bol ? Ce qu’il y a de très plaisant, c’est la désinvolture ou la décontraction avec laquelle la discussion est traitée et qui est assez caractéristique de la tonalité du film.
Par rapport à ses œuvre futures, Tarantino semble avoir fait preuve d’une liberté totale dans la construction de son intrigue et à la réalisation. C’est, selon moi, la force et la faiblesse du film. La force car le film a un ton unique. La faiblesse car il me semble que je préfère les autres films de Tarantino dans lequel il fait preuve d’une maîtrise indiscutable.
Créée
le 20 mai 2024
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