Un mystérieux harmonium, des pots de puddings, l'envie d’évasion, un malfrat, l'amour, un héros discret, timide et paumé finissant par s'accepter tel qu'il est, Paul Thomas Anderson créé Punch Drunk love, une œuvre sincère et émouvante explorant la psychologie d'un homme timide, suffoquant du poids de ses sept sangsues de sœurs au point de ne jamais avoir pu faire sa vie.
Quand Adam Sandler montrait enfin son VRAI talent d’acteur
Adam Sandler, on aime ou on n’aime pas. On adhère ou non à son humour, on affectionne ou non son visage aux airs de petit rongeur malicieux. Il y a seulement une chose sur laquelle tout le monde sera d’accord : sous toute cette couche d'humour réussi selon les gouts de chacun, ce cache une sensibilité étonnante parfois remplie de sagesse. Chaque humoriste sensible cache sa part de sensibilité qu’il choisira s’il l’occasion s’y prête à la révéler au public. S'il était encore en vie, Robin Williams vous le dirait. D’ailleurs, il l’a dit : « Je crois que les gens les plus tristes essaient le plus possible de rendre du monde heureux. Car ils savent ce que c'est de sentir qu'on ne vaut absolument rien...et ils ne veulent surtout pas que d'autres personnes se sentent comme ça. »
Et si Adam Sandler appartenait à cette catégorie de personnes ? Soyons objectif, la filmographie du comédien n’est pas brillante. Toutefois, surprise en s’apercevant que dans tout ça, il y a quelques surprises.
Pour révéler au grand jour la part de sensibilité de chaque humoriste, il faut soit une interview intime de l’artiste, soit un film, si possible réalisé par quelqu'un de talentueux. Au quel cas, l'effet ne sera pas le même. Robin Williams en a eu des films rendant gloire à son lui profond, Ben Stiller, Jim Carrey également, et Adam Sandler?
C'est là qu’en hiver 2003, Punch Drunk Love, petit film indé sortait furtivement sur nos écrans. A l'époque, cette œuvre ayant attisée ma curiosité m'avait fait découvrir un Adam Sandler totalement différent de celui que je connaissais. Je me trompais lourdement sur le talent de cet homme, l’ai terriblement mal jugé. Par ce film, il m’aura permis de m’immiscer dans l’intimité profonde de Sandler et d’y voir par l’intermédiaire de l’âme reflétée dans ses yeux, sa part d’innocence cachée. Dans Punch Drunk Love, cette innocence, cette sensibilité, cette souffrance vous serons dévoilée.
Il faut que j’achète plus de pudding pour ce voyage à Hawaï. Quand je
dis ça à haute voix, je sais que ça peut paraitre complètement étrange
mais ça l’ai pas.
Quand harmonium et pudding faisaient bon ménage
Qu'est ce que ça fait du bien de dire qu'il existe des petits films indépendants géniaux! Punch Drunk Love, longs silences propres aux films du genre, originalité totale, étrange, hypnotique, décalé et émouvant nous plonge dans les péripéties d’un personnage bizarre le tout sous une ambiance presque flottante. Pas comme un des ballons du clown Grippe-Sou, je vous rassure. Punch Drunk Love transpire de poésie. Dans ce film, Adam Sandler joue le rôle de Barry Egan. Tellement de belles personnes ressemblent à Barry mais ne le savent pas, préférant affirmer les faux jugements que le monde extérieur a d’eux.
En apparence, Barry est un homme banal, travail à son compte dans une entreprise de débouchoirs de toilettes. Barry dont la timidité, la discrétion et ce petit coté enfant solitaire nous donnent la sensation extérieure qu’il est atteint d’autisme. Barry n’est pas autiste, il ne sait juste pas qui il est, c’est un éternel angoissé, un hyper sensible perdant le contrôle de son corps dès qu’il se trouve face à une situation inconfortable comme lorsqu’une de ses sœurs cherche à le caser ou lorsqu’il assiste à une scène de carambolage tout droit sortie d’un Michael Bay. Un esclave de ses émotions qui a fini par s’oublier à force de veiller au bien être des autres. Pas de petite amie, pas d’animal de compagnie, pas de réel ami en qui se confier à part son collègue Lance, Barry est seul, isolé. Sur le plan familial, la catastrophe, et l’on comprend pourquoi se pauvre homme si renfermé sur lui-même n’arrive pas à évoluer, sortir de sa zone de confort pas si confortable.
Flanqué de sept sœurs passant leur temps à l’humilier, Barry ne sait pas s’affirmer, n’a aucun mécanisme de défense autre que celui de laisser aller sa colère et sa frustration en frappant violemment dans des choses. Ici, petite dose humoristique, quand notre héros voit son degré d’angoisse exploser les records, il explose des baies vitrées, tabasse des toilettes de restaurant chics, ou, plus soft, donne des coups de poings aux murs. Dans ces moments de réelle détresse, Barry pète les plombs.
Barry ne va pas passer sa vie à cogner tout le mobilier. Alternative : avoir une passion, s’y dévouer corps et âme. Au cours de son aventure, Barry fera des choses que la plupart des gens bien dans leur peau ne comprendraient pas. Notre héros portant un costard bleu qu’il ne quitte jamais, récupère un harmonium abandonné en pleine rue et le garde précieusement dans son bureau en tentant d’y jouer et de le réparer. Là, métaphore ou non, on se dit que peut être qu’en le réparant, il se « réparera » lui aussi ? Il paraitrait qu’on peut aller partout dans le monde grâce au pudding. En tout cas, Barry, il y croit depuis qu’il a vu qu’une grande marque c’était associée à une compagnie d’avion pour faire gagner des « miles » à chaque achat de leurs clients. Barry pense cumuler suffisamment de point pour voyager à vie gratuitement. Ca reste entre nous, il est le seul à avoir compris l’erreur de l’offre. Toutes ces petites choses « naïves ou relevant du génie » ont une réelle signification s’il l’on creuse la psyché du personnage.
Il est vraiment bizarre. Je sais pas pourquoi il est tellement bizarre
et ce qu’il fait dans ce costume.
L’amour, ce sauveur
Tout homme a besoin d’une compagne, Barry également. En quête d’amour, il choisit la solution des petites annonces de rencontres par téléphone. Eternelle malchance, naïveté, maladresse, ce que vous voulez, il a eu le malheur d’appeler un téléphone rose pensant trouver la femme de sa vie et se retrouve victime d’une escroquerie à grande échelle où on ira jusqu’à envoyé des hommes chez lui pour le menacer. Barry n’avait pas besoin de ça. Et là, sous tous ces nuages noirs, la douce Lena, collègue de travail d’une de ses sœurs, débarque dans sa vie. Pas vraiment au bon moment mais peut être qu’elle est la solution aux maux de notre héros ?
A partir de là, soyez témoin de la transformation impressionnante d’un homme timide et anxieux, le tout placé sous le signe de l’amour. Oui, Punch Drunk Love est l’histoire d’un homme qui se cherchait et qui finira par se trouver grâce à l’amour. Tout changera pour Barry et nous, on jubilera de le voir entrer en pleine rébellion, ENFIN.
Punch Drunk Love, sa force ne réside pas seulement en son jeu d’acteurs, son ambiance et thématique. Cette œuvre puise sa force dans son travail démentiel sur l’image, les transitions, les fondus, les jeux de lumières, de caméra et de couleurs, et la musique…ooooh la musique. Une vraie ode au septième art, un hommage aux vieux films. Le travail sur la musique diversifiée vous balancera d’une balade romancée à du bon thriller Hitchcockien. Même d’un point de vue musical et esthétique, tout a un sens. Punch Drunk Love a une âme, une belle âme. Voila pourquoi j’aime autant le cinéma !
L'incroyable force qui est en moi, t'as pas idée. J'ai un amour, un
grand amour dans la vie. Ça me rend plus fort que tout ce que tu
saurais imaginer.
Au final, imprévisibilité, tel est l’adjectif illustrant à merveille l’intrigue de ce film capable de vous faire emporter d’un drame à une comédie, puis d’une tendre romance à un film de malfrats, jusqu’à des mini séquences dignes d’un action movie. Le pire dans tout ça : tout est censé. Punch Drunk Love est définitivement un film riche où il se passe des trucs de dingue provoquant des éclats de rires, et si vous trouvez que ces dialogues parfois peu nombreux sont futiles, c’est que vous n’avez pas saisi le génie de ce film possédant quelques punchlines mémorables. Oh et il y a Philipp Seymour Hoffman ! Un chef d’œuvre.