Charles Band fait partie de cette race de producteur qui ne se démonte jamais peu importe les difficultés, et à qui il appartient de toujours rester maître de ses créations. Même après avoir subit la banqueroute d’Empire et perdu les studios Dinocita, ce dernier a sût rebondir très vite en fondant une nouvelle compagnie : la Full Moon Features dont le but sera de capitaliser sur le marché de la vidéo, en produisant des films de genre à bas budget correctement emballé de manière à pouvoir concurrencer les séries B plus huppées dans leur genre de prédilection. Fort de départements artistiques et de techniciens aguerris, il se lance dans ce qui deviendra une marotte très lucrative pour lui : le film de poupées tueuses. Dolls de Stuart Gordon ayant été un succès, tout comme l’a été Child’s Play de Tom Holland, il s’associe avec Paramount Pictures et Pioneer Home Entertainment pour livrer le premier épisode d’une franchise extrêmement prolifique. En effet, la saga des Puppet Master n’a probablement rien à envier à celle de Chucky avec ses multiples séquelles, spin-off et timeline et l’obtention d’un grand prix au 26ème festival de Gérardmer. S’il n’est pas le plus évident à appréhender, ce premier épisode a néanmoins le mérite de poser les bases de la série. D’abord il y a un environnement iconique. À l’instar de l’Overlook, le Castle Green de Pasadena est un véritable hôtel de cinéma ayant servi de modèle et de décor à presque toute la saga, astucieusement placé au bord de la jetée de Bodega Bay à l’aide d’un simple trucage optique. Lieu de résidence du défunt André Toulon, une sorte de Geppetto en plus barjo, capable d’insuffler la vie à ses créations dont aimeraient bien s’emparer les nazis, pour conquérir le monde. Faute de pouvoir lutter indéfiniment contre les émissaires de la gestapo, il préférera se donner la mort d’un tir de pistolet afin d’emporter le secret dans sa tombe. Cinquante ans plus tard, un groupe de médiums va chercher à s’en emparer tout en enquêtant sur la disparition d’un de leur confrère. L’un après l’autre, les para-psychologues vont néanmoins se faire attaquer par toute une ménagerie de pantins désarticulés particulièrement vindicatifs. Tous ne survivront pas à la nuit.
S’il fallait trouver une raison à la réussite financière de Puppet Master et au culte que lui voue son public, cela serait à mettre au crédit de la caractérisation de ses marionnettes. Ces réductions d’êtres humains faits de bric et de broc semble tout droit sortie de l’imaginaire pervers d’un menuisier. Le producteur ira même jusqu’à pousser le vice d’en vendre des répliques à l’échelle 1:1 entièrement manipulable. Blade son plus célèbre est une sorte d’Edward aux mains d’argent ressemblant à s'y méprendre à l'acteur Richard Lynch (on le verra d’ailleurs dans le 3ème épisode) pour le visage anguleux et les cheveux blanc. Tunneler a la particularité de posséder une foreuse sur le crâne. Pinhead est une sorte de brute épaisse frankensteinien à tête d’épingle et aux mains géantes. Jester est un harlequin au faciès aussi lunatique qu’un rubik’s cube et Leech Woman est une espèce de sadako mielleuse qui dégueule des sangsues. Leurs mouvements saccadés obtenues par les effets en stop motion de David Allen leur confèrent une touche de surréalisme qui déteint également sur le film, permettant à la magie d’opérer et d’élever l’intérêt de ce petit jeu massacre charriant son lot de séquences gore. À défaut d’être réellement effrayant, les quelques meurtres bien senties permettront de sortir le spectateur de sa torpeur et de profiter d’un spectacle décalé témoignant d’un amour sincère pour le fétichisme des poupées. Comme à son habitude, David Schmoeller fait preuve d’un académisme formel et semble d’avantage motivé à livrer un film d’atmosphère avec des séquences empruntes d’onirisme, probablement sous inspiration de Shining de Stanley Kubrick, mais contre lequel il aurait troqué les long plan lancinant en steadicam pour une caméra subjective s’agitant frénétiquement pour figurer les déplacements de ses poupées tueuses. En dépit d’un interventionnisme parfois envahissant de Charles Band qui tirait toutes les ficelles du projet, le réalisateur est tout de même parvenu à se défaire de son influence pour diffuser une ambiance à la fois angoissante et fantasmatique qui est pour beaucoup dans la réussite du film.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !