Puppet Master : The Littlest Reich, Sonny Laguna & Tommy Wiklund, U.S.A, 2018, 1 h 30

Treizième entrée de la saga « Puppet Master » et dix-neuvième entrée de l’univers « Puppet Master », reste-t-il un intérêt à regarder ce film ? Y a-t-il même encore un intérêt à proposer ce film ? Trente ans après le premier « Puppet Master », y a-t-il vraiment encore quelque chose à raconter à propos de ces marionnettes tueuses ? Tellement de questions sont soulevées par cet avant-dernier « Puppet Master » en date (oui il y en eut un autre depuis, en 2020…), auxquelles nous ne répondrons pas ici, pour tout un tas de raisons.
Scénarisé par S. Craig Zahler, le cinéaste nous y démontre tout son amour pour les petits films d’horreur fauchés. Que ce soit le script, la mise en scène ou le jeu des acteurices, tout sent particulièrement bon la série Z d’antan. Exerçant une liberté de ton jouissivement fun et un trip visuel hardcore qui se permet d’aller très, trop, loin, dans des excès goresques les plus cradingues possibles. Vraiment moyen dans l’ensemble (faut pas déconner) le film fait cependant preuve d’une inventivité folle et d’une imagination sans cesse redoublée. Les deux combinées permettent de proposer simplement ce que chaque spectateurice égaré voudra trouver en lançant un tel film.
S’il est possible d’émettre des reproches à « Puppet Master : The Littlest Reich », ce n’est certainement pas sa générosité dans un gore viscéral qui ne prend aucune pincette ni pour ses personnages ni pour sa potentielle audience. Et c’est là tout l’intérêt d’une telle production, alors bon, aller y chercher des qualités cinématographiques, ça paraît un peu hors propos. Donc, malgré une mise en scène particulièrement pantouflarde et insipide, qui ne rend pas suffisamment hommage à un véritable scénario de Z-movie et des comédiens à la ramasse (à se demander si c’est volontaire, ou s’ils sont vraiment nuls…), le pari reste réussi.
Évoluant dans un univers parallèle à la saga, ce nouveau volet en forme de rebot, signe la promesse de moult suites à venir. Tout un tas de productions des années 1980 aurait pu servir de terrain de jeu à S. Craig Zahler et son bourrin de producteur Dallas Sonnier. Mais ils ont visiblement favorisé une franchise à bout de souffle, en essayant de la réinventer par le biais de nouvelles directions. Pour exemple, c’est le plus frappant, André Toulon, l’homme derrière les marionnettes, est dans le film de 1989 un exilé qui a fui le nazisme. Or, ici, c’est un nazi qui a fui l’Europe après la victoire des Alliés.
De fait, c’est là une excuse parfaite pour un film qui se fait plaisir avec les memorabilias nazies, en veux-tu ? En voilà ! Des drapeaux, des couteaux, des médailles, des plats, des tableaux… En plus de s’avérer des artefacts originaux, ils confèrent au film une dimension méta, qui achève de confirmer que oui, les nazis sont devenus des entités de la culture populaire. Et il est quand même plus fun de les voir dans ce genre de production que dans les parlements européens. Car oui, aujourd’hui, dans le cinéma américain les nazis alimentent une source de moqueries, bien plus appuyées depuis la présidence Trump et la décomplexions de pauvres hères néonazis.
Le métrage se fait dès lors plaisir dans une gaudriole toujours très limite, mais qui fait du bien. Elle est de plus utilisée intelligemment, dans cette optique d’exorciser le mal, par le biais d’un humour bas de plafonds et le dégout provoqué par un gore extrême et malsain. Issu d’un milieu juif, S. Craig Zahler se permet ainsi de pousser très loin la blague, sans jamais tomber dans un antisémitisme douteux. C’est finalement là que réside la force de « The Littlest Reich », parvenir par une catharsis un peu pétée à rire de l’indicible. Les marionnettes, lancées dans une obscure vendetta, s’attaquent ainsi en premier lieu aux juifs présents dans l’hôtel particulier d’André Toulon, puis ce sont les homosexuels, puis les Afro-Américains… L’histoire se répète dès lors dans un jeu de massacre prenant place dans le microcosme duquel sont prisonniers les protagonistes.
Débile sur le papier, débile dans sa forme finale, le film bénéficie en réalité du scénario pas si con de S. Craig Zahler, qui comme à chaque fois, et bien qu’il s’en défend, fait état de la température d’une société bouillonnante. Toujours très ancrée dans sa contemporanéité, Zahler apporte une réflexion sur le monde qui nous entoure, ses absurdités et ses excès. Ici, c’est en filigrane que cela se perçoit, mais c’est néanmoins très présent. Lorsque le temps permettra un peu plus de recul, le cinéma hollywoodien de l’ère Trump s’avérera fascinant à observer et une mini production irrévérencieuse comme ce film, pourra apporter sa petite pierre à l’édifice.
Dans l’ensemble, cette œuvre de Sonny Laguna et Tommy Wiklund demeure un délire gore assez banale, même si plus d’un meurtre valent clairement le détour. Avec ses effets spéciaux viscéraux qui fleurent bon l’artisanat, ils se sont fait plaisir. Comme tout bon film gore à l’ancienne, il souffre de quelques longueurs, que ne compense que sa générosité dans l’horreur. De plus, il s’offre le petit plaisir de compter dans son casting quelques gueules du genre, Barbara Crampton en tête. Visage emblématique de l’horreur bis made in eighties, elle vole la vedette aux vieux briscards que sont Michael Paré et Udo Kier. Ce dernier est d’ailleurs devenu un habitué des productions ou Zahler à une implication de près ou de loin.
« Puppet Master : The Littlest Reich » constitue un film pas forcément nécessaire, il n’apporte rien ni à la saga ni au cinéma d’horreur. Il demeure une œuvre de facture classique, pour ne pas dire banale. Mais puisqu’il existe, autant ne pas bouder son plaisir. Il saura ravir la déviance de votre cinéphilie, par un gore bigger than life, absolument dégueulasse qui va trop loin, avec une égale bonne humeur. Fort d’une certaine honnêteté (le film ne prétend jamais être autre chose que ce qu’il est) ce treizième volet d’une saga qui n’a plus rien à proposer depuis son Final Chapter en 1994, vient rappeler que c’est aussi ça le cinéma d’exploitation : de l’inutilité qui trouvera de toute façon son public [l’auteur de ces lignes le premier…].

-Stork._

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le 16 juil. 2021

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