Rapidement, "What ever happened to baby Jane ?" place le spectateur devant un dilemme Cornélien : entre l'adorable Joan Crawford, douce, compréhensive, handicapée et martyrisée et sa soeur Bette Davis, ignoble sorcière perverse, menteuse, alcoolique et sadique, oui, nous devons choisir. Notre coeur balance dans ce duel de dinosaures mais heureusement la subtile partition musicale qui joue de la guimauve pendant 2 heures sur les 2h08 du film nous indique quoi penser (des fois que l'on se fasse des idées tout seul). Chaque scène faisant apparaître Bette Davis est précédée d'un écriteau géant -ATTENTION PERFORMANCE D'ACTEUR- si bien que quand elle n'en fait pas des tonnes, on la trouverait presque pas mal.
Robert Aldrich qui est à la finesse ce que Bigard est à l'humour nous filme tout ça comme s'il n'y avait pas eu "Sunset Boulevard" (1950) ou "The bad and the beautiful" (1952) avant lui. Le côté abrasif d'Aldrich sauve tout de même deux-trois scènes du marasme, comme quand par exemple Bette Davis bourre de coups de pieds sa soeur paralytique au sol. On se dit alors qu'il est quand même couillu le Robert et que quitte à faire un film convenu de A à Z cette scène a au moins un peu de panache. Convenu parce que c'est une opposition la gentille-la méchante qui dure plus de deux heures et ne donne jamais une chance à ses personnages, enfermés dans des rôles stéréotypés (et dans un scénario truffé d'invraisemblances).
Le twist final est absolument grotesque : en deux mots, on se réconcilie, copains comme cochon. Il se trouve que personne ne se souvient en réalité de ce qui s'est passé la nuit du drame. Ah bon ? Mais c'est pourtant cela qu'on fait payer à Joan Crawford depuis 30 ans, à moins que ce ne soit de la méchanceté gratuite. En fait, non, Aldrich nous explique qu'on peut modeler ses souvenirs à desseins ; Crawford essaye-t-elle dans un dernier élan affectueux débile de déculpabiliser sa soeur au moment de mourir ? Ou assistons-nous véritablement à un rebondissement foireux (la gentille serait en fait la méchante) ? On s'en moque un peu à vrai dire après ce calvaire.
Le générique arrive et comme les personnages du film, on va s'empresser d'oublier qui était baby Jane...