Avec la réédition de ce western peu connu du grand public, Sidonis offre l’occasion de découvrir une merveille de série B. Tourné en quelques jours avec un budget dérisoire, Apache Drums (1951) porte la double signature du génial producteur Val Lewton et du réalisateur argentin Hugo Fregonese.
Nulle star au casting, décors réduits à la portion congrue, mais un scénario tendu et des personnages parfaitement ciselés. « Malgré le peu d’argent dont nous disposions, écrira Lewton à sa mère à l’issue du tournage, nous souhaitions réaliser un western original ». Pari gagné. Et il ajoute : « Si le film marche, j’ai l’espoir de pouvoir produire d’autres films ». Ce sera en réalité son dernier, Val Lewton décède à 46 ans, juste avant la sortie du film.
Un western atypique
Le décor est celui de la petite ville de Spanish Boot près de la frontière mexicaine. Une tribu apache, privée des terres qui étaient les siennes, décide d’attaquer la ville. Les habitants se retranchent dans l’église repoussant tant bien que mal les assaillants. Alors que la nuit survient, le son des tambours annonce l’imminence d’autres attaques. Réunis par les circonstances, le maire de la ville et un joueur de poker qui en avait été chassé, vont mettre de côté leur rivalité amoureuse. On retrouve ici des thématiques chères à Val Lewton : la lutte pour la survie, l’imprévisibilité du danger et la résilience face à la mort. Les personnages non standards sont également caractéristiques des goûts du producteur : le bad boy qui se refait, le révérend qui doute, le héros faillible…
Peu de moyens mais des idées
A défaut de moyens, la mise en scène d’Hugo Fregonese se fait inventive, contournant les problèmes. Par exemple en composant avec le hors-champ. A l’instar des habitants retranchés, on imagine d’autant plus les indiens qu’on ne les voit pas. Un dispositif qui permet de faire des économies de figurants mais qui en réalité participe grandement au charme du film : cette atmosphère tendue, lourde de menaces dans le huis clos de l’église. Autre originalité d’Apache Drums, la bande sonore. La litanie des tambours à laquelle répondent tantôt les chants (hymne gallois entonné par les hommes, berceuse traditionnelle chantée par les femmes), tantôt les silences annonciateurs d’attaque.
Ombres et lumières
Mais c’est surtout pour la qualité de sa photographie qu’Apache Drums mérite sa réputation d’œuvre à part. Lewton, qui n’apprécie rien tant que les atmosphères de nuit (La Féline, Leopard man) trouve ici matière à s’exprimer. Il confie au chef opérateur Charles P. Boyle le soin de composer avec cette contrainte nocturne. Le résultat tout en ombres et clairs-obscurs est somptueux. De même que le travail sur l’opposition intérieur/extérieur via les fenêtres où surgissent les assaillants. Ne serait-ce que pour sa dimension visuelle, le film mérite qu’on s’y intéresse. A découvrir.
8/10
Critique à retrouver sur le Mag du Ciné