Maladie de peau
3 heures et 7 minutes seulement pour Quand les vagues se retirent, c'est presque l'équivalent d'un court-métrage pour Lav Diaz, habitué à des durées bien supérieures. Pas de surprises cependant, il y...
le 7 juil. 2023
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L’ouverture est classique d’un polar. Après une courte introduction nous présentant le protagoniste, lieutenant de police et professeur à ses heures perdues, le réalisateur nous plonge dans les rues de Manille pour une filature nocturne. Mais cette pousuite n’a rien d’une enquête : Hermes traque sa femme infidèle, dont il punira violemment l’amant au plan d’après. La scène suivante, montrant un cadavre accompagné d’un panneau « Je suis un trafiquant, ne faites pas comme moi », achève de poser le décor d’un film où la noirceur de l’Homme sera disséquée sans tabou.
Mais les habitués de Lav Diaz s’en doutent, Quand les vagues se retirent est bien loin du polar haletant. Il est d’ailleurs assez drôle de constater que sa bande-annonce d’une minute contient plus de musique que les 3 heures de film, et que l’intrigue qui y est présentée se dévoile seulement à la moitié du chemin. Car au-delà de sa lenteur, la mise en scène se veut profondément minimaliste, usant du plan fixe comme d’un tableau dans lequel les personnages évoluent librement. Les plans commencent quand ils entrent dans le cadre et s’achèvent lorsqu’ils en sortent ; parfois un peu avant, ou un peu après.
Cette abondance de plans fixes fait l’effet d’une hypnose, mais l’étirement des plans jusqu’à leur épuisement plonge l’esprit dans un état d’errance. La construction du récit contribue grandement à ce sentiment : l’intrigue tourne autour de deux personnages antagonistes qui sont amenés à se rencontrer, mais le film fonctionne sur un montage alterné au ralenti, délaissant parfois un des deux récits pendant plusieurs dizaines de minutes avant d’y revenir comme si de rien n’était. Ainsi, les personnages évoluent dans notre dos comme si on s’était assoupi. Et puis la magie opère : les plans sont si répétitifs que chaque image qui diffère légèrement de la précédente, à l’image d’un léger tremblement de caméra ou d’un insert, transcende le réalisme pour nous plonger dans un fantastique diffus.
Pour les habitués de Lav Diaz, Quand les vagues se retirent suit la routine habituelle du cinéaste, sans véritable éclat mais avec honnêteté. Hermes et Primo sont à la fois semblables et opposés : le premier est un flic modèle qui cède à ses pulsions violentes dans l’intimité, tandis que le second est un ancien flic pourri reconverti en témoin de Jéhovah, évangélisant les figurants qu’il rencontre. La contradiction est au cœur de ces deux hommes, qui ont pour point commun de regretter instantanément leurs actions après les avoir commises. Ainsi, Hermes assume d’avoir battu sa femme devant ses élèves puis tabasse le flic qui l’a dénoncé, avant d’appeler les secours juste après. Cette ambivalence de l’Homme est montrée avec une certaine bouffonnerie qui contraste avec la violence crue.
Du dictateur fasciste de Halte à l’étudiant idéaliste de Norte, le cinéaste philippin raconte encore et toujours la même histoire : celle de la banalité du mal dans un pays malmené et brutal. Malgré un récit trop dilué, la durée raisonnable de ce nouveau film en fait une parfaite porte d’entrée vers le cinéma de Lav Diaz, pour ceux qui ne voudraient pas tenter l’aventure hors des salles.
Créée
le 24 août 2023
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