Les études linguistiques médiévales de Nietzchka Keene l'amène à revisiter le comte du Genevrierdes frères Grimm, déjà revu et corrigé à plusieurs reprises au fil du temps en le transposant sur les terres de l'Islande, sans qu'aucun indice de soit réellement donné du lieu plaçant le récit dans un environnement hors du temps. La réalisatrice rédigera les nombreuses incantations qui parsèment son récit et donne son premier rôle à Bjork, qui renverra à la poésie par son physique particulier. Histoire de deuil, de meurtre d’un fils, de sa transformation en oiseau perché sur l'arbre et de l'oubli par le père manipulé. La marâtre devient ici une sorcière et trouve son antagoniste dans le personnage de sa sœur Margit, toute de candeur et d'innocence.
Le titre en lui-même laisse planer la destinée délétère de ces femmes au plus près de la nature connaissant les plantes et leurs usages, accusées de sorcellerie, leurs corps abandonnés dans les rivières. De cette difficulté d'être femme au moyen âge, Katla et sa petite sœur Margit devront fuir, s'enfonçant au plus profond des paysages désolés, où les rafales de vent accompagnent la difficulté du trajet et rend compte de leur voyage initiatique à leur émancipation. Le ton est donné et la condition des femmes soumises à la loi des hommes et de la religion, pousse invariablement à la nécessité de trouver un mari pour se préserver. Johan (Valdimar Örn Flygenring) y verra l'occasion d'être aidé dans les tâches paysannes. Attaché à son fils, mais mû par le désir, il ouvrira la porte au drame. Jonas (Geirlaug Sunna Þormar), perpétue la mémoire de sa mère, en se rendant sur sa tombe pour qu'elle ne l'oublie pas, pendant que Margit voit sa condition de sorcière se révéler lorsque qu'elle commence à communiquer avec sa mère décédée. Chantant des comptines pour enfants, à la confiance sans faille, la violence des hommes laisse place à une profonde empathie pour Jonas contrairement à sa sœur, inquiète du danger qu'il représente à leur vie commune. Une masure à même la roche, comme seul refuge et la seule fenêtre donnant sur l'extérieur, accentue la promiscuité et la vigilance de Jonas, loin d'être dupe des manigances de Katla.
Un réalisme teinté de fantastique pour un traitement dépouillé et si le sujet intéresse par sa modernité et son symbolisme séduisant, son austérité peut rebuter. Il est difficile de se laisser totalement porter par la lenteur de l'exercice, par le manque d'enjeu dialogué, et par les jeux d'acteurs qui n'offrent que rarement des sursauts, répétant souvent les mêmes scènes d'approche et de rejet. Restent la direction radicale par ce qu'elle révèle de cruauté, le plaisir du travail de Randy Sellars pour son noir et blanc contrasté, la musique lancinante de Larry Lipkis soutenue par le vide des paysages volcaniques et la révélation de l'imposante Bryndis Petra Bragadottir.