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Quand passent les cigognes, c’est l’histoire de Boris et Veronika, jeunes amants qui voient leur vie éclatée par le conflit mondial. C’est l’histoire d’un réalisateur géorgien, Mikhail Kalatozov ,haut placé au parti, qui voit en la mort de Staline l’opportunité d’explorer des thématiques jusqu’alors tabous en union soviétique, défiant le roman national. C’est l’histoire d’un formalisme qui allie dynamisme de la caméra, jeu d’écrasement des contre-plongées, surimpressions oniriques, montages chaotiques, et naturalisme détaché de la bêtise humaine. C’est l’histoire du désastre total qu’est la guerre, portée par un message universel de dédain pour celle-ci.


La scène de départ des soldats est exemplaire. Un long traveling latéral qui s’arrête sur tous les adieux, de femme à mari, de père à fils, de sœur à frère, et qui s’achève par l’incapacité de Veronika de dire au revoir à Boris. Les figurants prennent autant d’importance que nos protagonistes sous l’oeil objectif de la caméra, témoignant d’une déshéroisation de l’histoire contée, celles d’hommes et de femmes ordinaires dont le monde s’écroule de par les velléités de quelques dirigeants déconnectés de ceux qu’ils envoient mourir.


Démarre alors l’attente. Veronika vit celle qui rend fou ceux restés derrière alors que le temps s’arrête, en témoigne cette horloge, unique rescapée d’un immeuble effondré. Boris ne jure que par celle qui fait s’accrocher ceux au front, cette unique lueur au bout du tunnel qui ne pourrait être qu’un leurre, comme pour ce blessé trahi par sa promise. Intervient alors la séquence du viol de Veronika, suggéré dans un montage sonore alterné, entre fracas des bombardements et piano frénétique de l’agresseur. La jeune femme est prise entre le marteau et l’enclume et ne peut que plier, rompant ainsi sa promesse faite à Boris, et signant par la même occasion son arrête de mort. L’espoir s’évapore pour lui, laissant sa dernière vision être celle fantasmée d’un présent lointain et d’un futur disparu.


Alors Veronika continue d’attendre, inconsciente du sort de son aimé. Elle se morfond tant et si bien qu’elle craque, chute, et ne trouve rédemption à son âme perdue que par l’intervention d’un enfant, nommé Boris. Le sauver signifie se sauver elle-même. Refuser son rôle de victime des circonstances et reprendre en main les rênes de sa vie. Car s’il y a un gamin, c’est qu’il y a une suite à tout cela. Et la paix arrive, et la vie continue. On voit là l’espoir du renouveau, alors que les enfants, absents du film et de cette guerre jusqu’à cette école reconvertie en hôpital, apparaissent à nouveau dans la liesse finale. Une liesse qui est marquée par un désenchantement, une remise en question de la notion de sacrifice pour le bien commun. Une haine commune de la guerre, sous toutes ses formes.


Et, paisibles, passent à nouveau les cigognes au-dessus de Moscou.



Créée

le 9 déc. 2024

Critique lue 3 fois

Frakkazak

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