Quand le prometteur Michaël R. Roskam, après avoir réalisé l’uppercut Bullhead, s’entoure de l’une des plus habiles plumes du polar contemporain, c’est à l’occasion d'un film intimiste à la précision diabolique. Un exercice de style qui s’impose d’emblée comme l’une des références modernes d’un genre relativement peu servi ces dernières années, à part peut être par quelques maîtres affineurs de la trempe de James Gray.


The Drop, c’est du pur Lehanne, à savoir une intrigue qui se construit sans en avoir l’air, et qui dans le dernier acte explose sans crier gare. Son style, fait de personnalités très denses qui se dévoilent un peu plus à chaque scène et d’une mise en scène au cordeau, repose en grande partie sur une tension constante, qui ne fait que s’épaissir à mesure que le récit distille sa matière. Une écriture de haute voltige, qui sert chaque personnage de la même façon, d’une densité massivement teintée de subtilité. Aucune séquence ne semble superflue, chaque dialogue construit l’intrigue, en apportant une brique supplémentaire au contexte volatile sur lequel s’appuie Lehanne pour faire monter en pression un torrent narratif qui ne demande qu’à s’exprimer.


Il fallait bien toute la mesure de Michaël R. Roskam pour faire honneur à ce matériau brut d’écriture de premier choix. L’homme impressionne à nouveau par sa capacité à adapter son coup d’œil au sujet qu’il s’approprie et sert The Drop avec talent, en optant pour une mise en scène dépouillée, qui fait la part belle à la vie féroce dont est empreint chaque lieu traversé par le récit. Ses caméras peuvent sembler uniquement fonctionnelles à première vue mais sont bien plus que cela. Elles savent quand se montrer expressives, au moment du drop final notamment ou à chaque invitation très sèche d’une violence assourdissante, mais optent la majorité du temps pour une présence silencieuse, s’effaçant presque totalement pour permettre aux personnages qui la peuplent de nourrir la prochaine pulsation d’un cœur qui bat la mesure au moyen d’une arythmie maîtrisée imposée par la précision des dialogues.


Quand un cinéaste choisit de faire de ses acteurs le ciment de son récit, il lui est nécessaire de placer sa confiance entre des mains rassurantes, à même de s’adapter au tempo qu’il impose. Michaël R. Roskam sait précisément où il souhaite emmener son petit monde et parvient à tirer de chacun le meilleur ; il inspirera même l’excellence à un oiseau de proie habituellement fébrile en vol. Quant au hardi Tom, diamant brut qui se taille au fur et à mesure qu’il enchaîne les grands rôles, il confirme sa grande force, celle de se plonger corps et âme dans chaque projet qu’il accepte. Il construit tout simplement ici probablement l’une de ses performances les plus marquantes, en faisant de son personnage un reflet inaltéré d’une écriture subtile qui monte en puissance en feignant l’apathie. Petit clin d’œil également au regretté James « Tony » Gandolfini, au diapason comme à son habitude, qui confirme qu’on a perdu l’une des tronches les plus charismatiques que comptait le 7ème art.


Il ne manque à The Drop qu’un léger soupçon de finition pour prétendre au rang de chef d’œuvre. Dans la caractérisation du policier qui s’immisce dans le récit comme le ferait un lecteur servi par une narration omnisciente notamment, ou dans l’écriture efficace mais vite avortée du tchétchène peu commode qui mène les opérations dans l’ombre. Ces deux ténus détails mis à part, Michaël R. Roskam livre avec son troisième film un sacré morceau de classe et continue de s’imposer comme l’un des auteurs les plus intéressants de notre époque. Sa maîtrise technique mais surtout sa capacité à se fondre dans des univers très différents en font la promesse de belles réussites à venir. On sort en tout cas de The Drop les yeux marqués par sa superbe photographie, les oreilles en phase avec la bande son qui sait tirer le meilleur des ambiances auxquelles elle contribue tout en restant discrète et le cœur assailli par une envie de retrouver au plus vite cette adaptation magique de l’univers cash du grand Lehanne.




Pour les zimages, c'est par ici (quelle photographie les amis ! <33).

oso
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le 10 janv. 2015

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oso

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