Permis de Tuer
Cette vingt-deuxième mission pour l'agent Bond, Quantum of Solace, a la particularité d'être une suite directe à son prédécesseur, le remarquable Casino Royale, permettant à l'agent britannique...
le 23 nov. 2014
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Quantum of Solace, une mise en chantier précipitée
Casino Royale (2008), premier reboot au sein d’une saga débutée en 1962, se révèle un succès mémorable tant au niveau des critiques presse et spectateurs que des résultats à l’international. Une suite est donc rapidement annoncée par les producteurs historique : Quantum of Solace.
Sur une idée de Michael G. Wilson, Quantum of Solace — titre d’une nouvelle de Fleming — sera une suite directe à l’épisode précédent. Et un titre est trouvé uniquement quelques jours avant son annonce officielle. La grève des scénaristes de 2007 impacte singulièrement la réalisation du script et le film qui devait sortir la même année est repoussé à 2008. Marc Forster, pourtant peu habité à ce type de superproduction, est choisi en tant que réalisateur alors que seules les grandes lignes de la trame sont écrites. Il aura dès lors très à cœur d’insérer au sein de son long-métrage les quatre éléments.
Une suite dans la continuité de Casino Royale
Daniel Craig endosse, bien évidemment, une seconde fois le rôle de l’agent distingué de Sa Majesté dans une composition assez proche de celle de l’opus précédent. On retrouve quelques personnages déjà présents deux ans plus tôt : M (Judi Dench, qui excelle comme à l’accoutumée), Felix Leiter (Jeffrey Wright) ou encore Mathis (Giancarlo Giannini).
Mais aussi de nouvelles têtes. Malgré l’absence de Moneypenny et Q, on retrouvera Tanner, cette fois interprété par Rory Kinnear — penchez-vous sur la carrière de cet homme, c’est un ordre ! —. Mathieu Amalric interprète ici l’antagoniste principal, un homme d’affaire assez peu scrupuleux qui répond au doux nom de Dominic Greene — apparemment une pique de Broccoli envers une Eva Green un peu trop « bavarde » lors d’une interview sur le scénario de la suite —. Camille (Olga Kurylenko) et Strawberry Fields (Gemma Arterton) croiseront également la route de Bond.
Si le précédent épisode se concentrait sur une intrigue très en lien avec le terrorisme et son financement, Quantum of Solace traitera de l’environnement, avec l’eau et sa rareté en sujet principal. Bond souffre — intérieurement comme toujours ou presque — de la mort de Vesper, il est en quête de vengeance contre l’organisation derrière les évènements de Casino Royale (Quantum) et Yusef Kabira, son ex-petit ami. Un périple dangereux l’entrainera dans de nombreuses destinations comme la Toscane, Londres, Haïti, l’Autriche, la Bolivie — coucou Jean-Luc — ou encore la Russie dans son épilogue.
Des choix de réalisations marqués
Marc Forster marque de sa patte tous les instants du film. Il est presque troublant de constater la liberté attribuée par les studios et les producteurs. Il se refuse lui aussi à un gunbarrel pour ouvrir son long et opte pour un enchainement inspiré de plans amenant d’emblée la première scène d’action du long-métrage. Et quelle scène d’action ! Rythmée comme jamais, valorisée par la partition parfaite de David Arnold, la poursuite en voiture sur les routes italiennes sinueuses convainc de par son entrée en matière radicale.
Si le montage séduit pour cette entrée, il gêne par bien des instants à la lisibilité des séquences et la compréhension des enjeux. Le film ne se pose que très rarement, et même s’il s’agit d’un parti pris audacieux de mise en scène, il apparait comme peu judicieux sur l’entièreté de l’œuvre.
Roberto Schaeffer remplace Phil Méheux à la photographie et impose une image moins contrastée et plus « sale » et âpre par un grain très prononcé. Même si j’ai une nette préférence pour le rendu majestueux du précédent opus, il faut accorder la prise de risque et le côté jusqu’au-boutiste de Forster.
David Arnold s’alignera sur les intentions de son confrère en composant des morceaux beaucoup plus graves et portés sur l’action. On notera quelques reprises discrètes du thème de Vesper.
Hélas, quelques fautes de goût viennent ternir le tableau comme une volonté d’esthétiser trop prononcée, voire outrancière à l’image des panneaux stylisés annonçant une destination, des interfaces à la Minority Report du Mi6 ou encore des plans hors sujets promis à ponctuer certaines scènes d’action.
MK12, sous l’impulsion de Forster, compose un générique terne et relativement peu inspiré bien loin du génie de Daniel Kleinman. Et le tout est illustré par Another Way to Die, chanson-titre du film par Jack White et Alicia Keys, prolixe et peu enthousiaste. En lieu et place de No Good About Goodbye, autrement plus passionné, de Dame Shirley Bassey et David Arnold.
Un scénario décidément trop maigre
Daniel Craig impose un Bond humain, intérieur et froid. A mille lieues d’un Brosnan à l’invincible brushing. Et il est presque étonnant de découvrir un personnage si développé avec des failles bien présentes.
Hélas, le scénario famélique empêche un quelconque développement des personnages. Ainsi, Dominic Greene malgré le talent indéniable d’Amalric ne marque pas les esprits. Son plan semble anormalement faible pour un film de la saga, et ce malgré son intelligence et sa pertinence. Camille ne captive que peu, le jeu morne de Kurylenko n’aide pas. Et le fait d’avoir vu l’actrice dans un grand nombre de films d’action empêche définitivement l’assimilation. Un coup dans l’eau d’autant plus que le parallèle des deux vengeances aurait pu être autrement plus profond.
Forster et Craig ont dû faire face à la grève des scénaristes, Haggis en tête, et ont écrit quelques scènes et dialogues. Est-ce là la raison du non-développement de l’intrigue de Quantum, Spectre en devenir ? Il est fâcheux de constater que l’on ne saura pas plus de l’organisation qu’avant le visionnage du film et les seules explications données par Greene se déroulent hors caméra. Astucieux.
On en détachera tout de même quelques scènes très plaisantes comme la poursuite du Palio, la scène de l’Opéra de Brégence jouant la Tosca avec une ambiance on ne peut plus Bondienne ou encore la dernière confrontation avec Greene, mémorable.
Conclusion
Un film âpre, sans concession et différent
La production value, toujours à son plus haut niveau
La bande originale de David Arnold
Daniel Craig, pleinement investi et convaincant
Une conclusion intéressante à l’arc de Vesper — qui aurait du, hélas, ne pas exister —
– Les Moins
Un scénario navrant voire absent
Un montage à déconseiller aux épileptiques qui anéantit en tension ce qu’il gagne en rythme
Le manque de consistance du rôle donné à Mathieu Amalric — brillant autrement —
Olga Kurylenko, une erreur de casting
La chanson-titre, minable
Quelques effets numériques assez criants
Des choix artistiques douteux
Réalisateur : Marc Forster
Directeur de la photographie : Roberto Schaeffer
Compositeur : David Arnold
Année de sortie : 2008
James Bond : Daniel Craig
Acteurs : Olga Kurylenko, Mathieu Amalric, Judi Dench, Giancarlo Giannini, Gemma Arterton, Jeffrey Wright, Jesper Christensen, Anatole Taubman, Rory Kinnear, Tim Pigott-Smith, Joaquín Cosio
Quantum of Solace a souhaité relever un défi de taille, faire suite directe à l’un des épisodes les plus appréciés de la saga. Forster imprime sa marque — et fortement — sur le film tout entier. Craig livre peut-être l’une de ses toutes meilleures performances. Mais le film déçoit, la faute à un scénario indigne et un montage trop excité qui gêne sur le long terme. Sec et jusqu’au-boutiste mais pas exempt de défauts.
Critique disponible avec une belle mise en page sur mon site : https://julienschouller.com/critique-quantum-of-solace-2008.
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Créée
le 11 juin 2021
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