Pas de portion de regret : lâcher prise et garder son âme(our)

Reprenant les aventures de 007 juste après la fin de l'opus précédent, le film tire sa force d'abord dans le fait qu'il montre que ce qui se passe autour de Bond est le reflet de ce qui se passe à l'intérieur de Bond. Chaque épisode comprend son lot de symboles mais celui-ci est construit comme une métonymie. Encore une fois le monde en oppositions, vraies ou fausses, et le mysticisme de Fleming sont présents et dans Quantum of Solace plus que jamais. Fleming lui même a construit son personnage de cette manière et ses états d'âmes sont très importants dès Casino Royale, le livre. Ce film étant la suite direct, il se comprend mieux en étudiant le précédent et le livre correspondant car la nouvelle intitulé Quantum of Solace n'a de rapport avec le film que son concept central et donc son titre.
Quantum of Solace, le film, est brillamment réalisé car son style nerveux et bouillonnant correspond à ce qui se passe au fond, dans le cœur du personnage admirablement bien joué par Craig. Son esprit tourmenté se précipite comme ses actions, le film va donc vite, ne laisse aucune seconde chance au spectateur car c'est ce qui se passe pour Bond. D'ailleurs, ce sens de l'urgence retranscrit celui du plateau car au moment de produire le film, il y eu une grèves des scénaristes ce qui obligea Daniel Craig et Marc Forster à écrire le scénario à la place des scénaristes ! On sent aussi la perte et la colère de Bond dans la façon de filmer et de monter. Certains spectateurs ont eu du mal avec ce parti pris. Pourtant il souligne bien l'intériorité du personnage et crée une opposition artistiquement forte avec les scènes plus calmes comme celle de l'opéra. Enfin à ceux qui pensent que Bond fait comme d'autres films d'action et qu'il suit la mode en adoptant ce type de montage, on peut leur répondre que, premièrement il faisait autrement dans ses autres films et notamment dans le précédent qui n'a que deux ans de plus et deuxièmement que c'est le premier monteur de la saga, Peter Hunt, qui est à l'origine de ce type de montage, le crash cutting, expérimenté dans Bons Baisers de Russie et que troisièmement, c'est une véritable volonté du réalisateur de construire son film de manière nerveuse et rapide, comme "une balle". D'ailleurs elle est présente dans le générique.
On nous propose ici également une réflexion de Bond sur son métier comme celle qu'il a dans le livre Casino Royale. D'ailleurs Mathis prononce une phrase que Bond dit A Mathis dans le livre. Du reste, la mort de Mathis et le fait qu'il finisse dans la benne veut tout dire. Voila ce qui attend les agents secrets comme eux, derrière les smokings et le caviar, pas de funérailles nationales, une mort simple et commune, à l'instar de Mozart.
Cette scène est le pivot du film car Mathis soulève des thèmes forts qui sont l'ossature de la dilogie : la confiance, le pardon et l'amour. C'est tout cela que Bond doit comprendre et même ressentir profondément, violemment, une fois de plus par le sacrifice de lui même ... et des autres.
Il y aussi un jeu de miroir car si Bond a des difficultés avec sa "mère", Camille en a avec son père et le meurtrier de ce dernier.
Sur le côté ésotérique et mystique, Forster a eu l'initiative heureuse de rendre hommage à Fleming à sa manière, avec un concept proche du chamanisme voire de l'alchimie dont le père de 007 était friand :
Les quatre éléments qui forment notre univers sont présents, un dans chaque grande scène d'action :
Pré générique : La Terre
Scène de poursuite à Haïti : L'Eau
Ballet aérien en Bolivie : L'Air
Final Perlas de Las Dunas : Le Feu
Sur ce sujet lire cet entretien avec le réalisateur : Entretien avec Marc Forster sur les quatre éléments
D'abord les éléments féminins puis les masculins en terminant par le plus viril, le plus Yang, le plus Bond : Le feu purificateur. C'est aussi l'ordre christique : Jean le Baptiste baptise Jesus par l'eau mais c'est le feu du Saint Esprit qui finit par purifié et ouvrir l'Homme spirituellement.
M représente sa mère , et il y a même une blague dessus. Il faut savoir que Fleming et son frère appelaient leur mère " M" .De plus la reine Elizabeth signé d'un M ses lettres données à son espion le Dr . John Dee, un des modèles pour créer Bond.Cela est drôle et juste dans le film.
Bond finit son apprentissage de Bond en comprenant les choses qui ont de la plus grande importance :
L'Amour grâce à Vesper.Il comprend en jetant le pendentif qui est le même pour toutes, que s'attacher à un objet, n'est que s'attacher à un symbole à travers l'attachement matériel. Il le jette car il sait que le véritable amour va plus loin et est impalpable. Cela nul ne peut lui enlever. Il n'a jamais été autant en paix avec lui même que depuis la fin de Licence to Kill (Permis de Tuer).
M lui indique le chemin en bonne mère et il l'a remercie à la fin du film.
La Confiance : Avec Mathis.Il s'est trompé mais il sait qu'on peut faire confiance à quelques personnes mais qu'il faut bien les choisir. C'est la leçon qu'il apprend aussi à travers la trahison de Vesper et celle de Mitchell et donc les erreurs de jugement de sa propre supérieure, qui finit par lui faire confiance. Une mère de substitution qui a vu son fils grandir. Cela reprend le tandem Bond-M/disciple-maitre/fils-père des romans et d'autres films. D'ailleurs il plaisante à ce sujet dans l'avions aux côtés de Camille.
Le Pardon : Avec Mathis. Il doit pardonner à Mathis et Mathis à Bond, à Vesper, et le plus dur, se pardonner à lui même.
Cet épisode de le saga est aussi le plus ouvertement socio-politique depuis Tuer n'est Pas Jouer et Permis Tuer et le combat de Bond aux côtés des rebelles et contre la drogue. En effet 007 aide les Boliviens à travers son désir de vengeance à chasser le consortium qu'est le Quantum qui souhaite faire monter le prix de l'eau par le biais du général Medrano. Au passage le combat entre celui-ci et Camille est d'une rare sauvagerie pour un combat entre une femme et un homme au cinéma. Cette situation socio-politique est largement inspirée du combat du peuple bolivien contre Bechtel en 2000, voir cet article Bechtel contre le peuple bolivien. Autre point à noter sur le même thème, pour la première fois dans un film de la franchise la pauvreté d'un pays est montré de manière répétée et est même mis en opposition avec le monde des soirées, de gens qui dominent et saccagent le monde habillés en costards en donnant des galas de charité. Plutôt réaliste en fait. Pourtant un homme en costard également, se dresse contre eux. Ici il y a une certaine subtilité. Car tous les Syngentas ou les Rothschilds ne peuvent dominer et contraindre que l'extérieur, la matérialité, le physique tel qu'il perçu. C'est l'âme, la force de l'esprit qui finit par triompher ici. Le dernier geste de 007, ou plutôt sa dernière non-action le prouve.
Le parti pris esthétique est encore plus fort que dans Casino Royale et nous réserve de beaux moments notamment avec la scène de l'opéra en point d'orgue, qui dresse aussi un parallèle entre la traque de Bond et Tosca. Voir cet article Analyse scène de l'opéra
On nous propose en définitive un film qui traite des sujets plus directement avec moins de symboliques que dans Casino Royale, mais avec un côté didactique qui permet d'expliquer ce dernier. Là ou Casino Royale est porté sur l'amour et cache des liens subtils et des allégories alchimiques et ésotériques, Quantum of Solace porte sur la vengeance due à cet amour disparu, sur l'incompréhension et la "rage inconsolable", montre plus directement les liens, la politique floue, les militaires et policiers corrompus, le combat du peuple à travers le personnage principal. Au fond sa rage rejoint celle des peuples abusés par des grandes entreprises internationales qui n'ont d'intérêt que le leur et comme but que l'argent. Bond réaffirme le fait qu'il est toujours Bond dans la scène finale avec M. Et s'il finit pas retrouver la clef de sa prison mentale en la laissant tomber à la fin du film, Bond signifie clairement qu'il n'est jamais parti, qu'il n'a jamais perdu son âme, même dans les moments de détresse. D'une certaine manière, il nous enjoint de faire pareil.

Fiuza
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le 28 janv. 2015

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