Encore une surprise chez Hideo Gosha dont je découvre la facette yakuza-eiga, prenant ses distances de manière notable avec le registre du chanbara — l'unique registre que je lui connaissais jusque-là. Le bonhomme a tourné pendant encore une vingtaine d'années après Quartier violent, donc on peut penser qu'on n'est pas au bout de nos surprises... Et dans cette direction, comment ne pas être estomaqué par le réalisateur de Le Sabre de la bête ou encore Le Sang du damné pour le registre du film noir, qui s'aventure ici sur les terres de Kinji Fukasaku ou Seijun Suzuki !
Les références me paraissent incontournables dans l'utilisation de la couleur et dans le recours à cette hystérie survoltée, même si Gosha apporte quelque chose de nouveau au-delà des liens apparents. Ne serait-ce que l'introduction, dans une boîte nommée Madrid, avec un spectacle de flamenco pour poser le cadre d'une guerre des gangs à venir dans un quartier chaud de Tokyo. Dès lors qu'un enlèvement par un gang d'une starlette protégée par un autre gang tourne mal, c'est le déclenchement des hostilités : la guerre des gangs est lancée, et le film va partir dans tous les sens, un peu en roue libre.
La couleur met en lumière le caractère approximatif de nombreux aspects, qui étaient bien dissimulés dans le noir et blanc des chanbaras, et cette approximation semble étrangement s'étendre au scénario qui n'en finit pas de lancer des malfrats contre d'autres malfrats au point qu'on finit par ne plus trop savoir qui est à l'origine de quoi. Le kidnapping tourne mal et le chaos se déverse à tous les niveaux, non sans une certaine analogie entre yakuzas et samouraïs — la notion de loyauté et de respect d'un code à géométrie variable. Tout ça n'empêche pas le film d'être un peu brouillon dans les nombreuses bastons, que ce soit au niveau de leur déclenchement autant que de leur déroulement. Dans ce vacarme je n'ai même pas reconnu Isao Natsuyagi, l'ancien Kiba.
À la violence permanente des échanges, faisant tout de même intervenir des poulaillers et des mannequins de cire, répond un érotisme plus ou moins latent (Suzuki en embuscade, ici aussi) et une manipulation d'arrivistes businessmen avant tout. Les derniers plans, un peu faciles mais avec une apparition hors du commun de Bunta Sugawara, montrent clairement le respect de Gosha pour les yakuzas à l'ancienne, avec un code d'honneur et un respect au-delà des inimitiés.
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