A l’époque d’HKMania, on avait tous nos spécialités. Certains se concentraient sur le cinéma japonais, d’autres sur le cinéma coréen, d’autres sur le cinéma indien, ou encore sur des pays plus exotiques. En ce qui me concerne, c’était presque exclusivement le cinéma hongkongais. Du coup, j’ai d’énormes lacunes en cinéma japonais, ayant fait l’impasse sur par exemple les nombreuses éditions HK Video de films japonais. L’arrivée de Roboto Films sur le marché du physique depuis quelques mois me permet de rattraper (un peu) mon retard sur le cinéma du pays du soleil levant. Violent Streets n’est pas un inédit, il était justement sorti chez HK Video sous le titre Quartier Violent. Mais cette sortie blu-ray est déjà l’occasion de me plonger un peu plus, après les autres sorties Roboto Films du genre (Violent Panic : The Big Crash, Great Jailbreak), dans l’univers des yakuzas, mais également de découvrir Violent Streets dans des conditions optimales tant l’édition est de toute beauté.
Homme de main loyal de Togiku, Egawa est envoyé en prison suite à une guerre des gangs. Lorsqu’il est libéré huit ans plus tard, le chef des Togiku lui offre comme indemnité de départ une boite de nuit dans le quartier de Ginza. Malheureusement, cela ne dure pas très longtemps et des pressions commencent à arriver sur les épaules de Egawa pour qu’il rende le club, faisant naitre des tensions entre ce dernier et le clan Togiku, tensions qui sont aggravées par le fait que, pendant son séjour en prison, l’ancienne fiancée d’Egawa s’est mariée au chef du clan Togiku, n’ayant pas la patience d’attendre qu’Egawa soit libéré. En plus de cela, un clan yakuza rival décide de s’étendre dans Tokyo et réclame la boite de nuit, ce qui, forcément, va engendrer une guerre entre les deux clans yakuzas et placer Egawa en plein milieu de tout cela. Le scénario de Violent Streets parait au départ assez confus et semble manquer de clarté. Les informations nous sont données pêle-mêle mais, petit à petit, au fur et à mesure que le film avance, toutes les pièces du puzzle s’assemblent et le film se fait soudainement plus clair, plus riche. Entre sa violence crue, sale, directe, sa propension à montrer des corps féminins dénudés, et même parfois un côté pulp, Violent Streets verse régulièrement dans le film d’exploitation, qui va jouer avec de nombreux tropes du genre : les vieilles traditions s’opposant à la jeunesse, les rivalités entre clans, le code d’honneur, les règlements de comptes, le vieux gangster à la retraite qui reprend du service… Mais jamais Hideo Gosha ne va idéaliser ses yakuzas, c’est même l’inverse qui se produit avec un côté très fataliste, en mettant intelligemment en images le piège qu’est finalement cette vie criminelle, où les gens ne sont jamais réellement libres de ce qu’ils peuvent faire, voire penser. Ici, le code d’honneur est rapidement mis à mal par l’argent qui régit tout. Le plan final sur ces chiens en cage avec des billets volant au gré du vent résume à lui tout seul ce point de vue du réalisateur. Pour son premier film de Yakuzas, Gosha semble avoir envie de casser les codes.
Le scénario de Violent Streets est de plus captivants et on prend un réel plaisir à suivre les différentes factions, leurs affrontements, et voir à quel point les choses finissent par devenir hors de contrôle. La mise en scène de Hideo Gosha est extrêmement travaillée, aussi bien le travail réalisé au niveau de la musique du compositeur Masarû Sato qui donne au film une ambiance très particulière (la tonalité hispanique de la boite de nuit par exemple), que celui de la photographie de Yoshikazu Yamazawa jouant sans cesse avec les couleurs vives et les éclairages. Violent Streets est un régal pour les yeux et pour les oreilles et, régulièrement, le film de genre façon série B devient un exercice de style donnant encore plus de puissance aux explosions de violence qui parsèment le film. L’action et particulièrement les règlements de comptes sont marquants par leur côté brutal. La violence est graphique, avec un sang particulièrement rouge et ressortant encore plus à l’écran, et jamais le réalisateur ne cherche à la rendre réjouissante, accentuant même parfois le côté réaliste par une absence de chorégraphie afin que l’ensemble ressemble plus à une bataille désordonnée où va résonner le son des coups et des impacts. L’expérience est assez stupéfiante et certains plans vraiment marquants grâce à la tension que le réalisateur arrive à leur insuffler. La réussite de Violent Streets, on la doit également au casting absolument parfait. Gosha a confiance au talent de ses acteurs et il sait comment les faire vivre dans le cadre. Noboru Ando, véritable ancien chef yakuza, crève l’écran avec son visage marqué par son passé, avec une caméra qui va tout faire pour faire ressortir son charisme naturel. Ce n’est pas le film qui donne vie aux personnages, ce sont les personnages qui donnent vie au film et ils lui apportent une grande vitalité et beaucoup d’esprit.
Avec son côté implacable et son réalisateur qui joue avec les codes du genre, Violent Streets est un film de yakuzas des plus marquants. Pour une première incursion d’Hideo Gosha dans le genre, c’est une quasi réussite de bout en bout.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-violent-streets-de-hideo-gosha-1974/