Premier film parlant de Pabst, à l'ère du cinéma parlant balbutiant : on a d'ailleurs plutôt envie de parler de film sonorisé, tant l'accent dans la bande son est mis sur les bruitages, les corps en souffrance, les bombes qui explosent, etc. Drôle de correspondance, forcément, avec la vision américaine de Lewis Milestone dans "À l’Ouest rien de nouveau", tant les deux œuvres dialoguent du point de vue de la thématique — pour le reste, sur le ton et sur l'empreinte graphique, les deux n'ont que très peu de points communs. Ici, si l'on excepte quelques séquences à l'arrière (où l'on découvre une autre horreur, du côté de l'adultère, forcément après des mois si ce n'est des années d'absence au front), "Quatre de l'infanterie" est une plongée dans la fin de la guerre de tranchée en 1918, dans les marécages boueux qui emprisonnent quelques personnages dont un seul aura droit à un nom.


Zéro idéologie ici : on est du côté allemand mais on pourrait être de n'importe quel autre côté. On est dans les tranchées obscures, et des soldats essaient tant bien que mal de tenir leur position contre les attaques ennemies. Le film alterne assez bien entre phases de combat et phases de repos, en multipliant les atmosphères, désespoir, calme, horreur, etc. Sur ces champs de bataille sobres et désertiques, on rejoindrait presque une partie du cinéma soviétique de la même époque, dans le sillage de "Arsenal" (Alexandre Dovjenko, 1929) en beaucoup moins explosif, dynamique et symbolique. Non ici on joue plus sur le terrain du réalisme, tel qu'on le concevait à l'époque. Quelques fragments d'images restent confortablement logés dans la rétine : la main d'un soldat mort qui sort de la terre boueuse, et que certains essaient de recouvrir de terre, ces chars français d'une autre époque (on dirait de petites voitures blindées) qui avancent sur le champ de bataille, le tout dans un silence musical assourdissant. Beaucoup de scènes avec des hommes qui agonisent, hagards, mourants, articulant quelques sons, et un dernier geste d'espoir entre deux soldats ennemis en guise de presque happy end.


À la dimension presque poétique du film de Milestone, Pabst y oppose la même année une vision froidement nihiliste. Il n'y a pas vraiment de personnages, plutôt des concepts, et un regard franchement négatif sur la guerre — raison pour laquelle il sera interdit en Allemagne dès 1933.

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le 11 juin 2021

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Morrinson

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