Quatre étoiles par pierrick_D_

Franssou,jeune enseignante parisienne,reçoit un héritage conséquent qu'elle décide d'aller claquer illico dans un séjour au Carlton de Cannes.Sur place,elle se trouve mêlée aux manigances de Stéphane,volubile escroc.Avec ce film,Christian Vincent,le réalisateur de "La discrète",donnait le coup d'envoi d'une mode qui verra fleurir de nombreuses comédies romantiques mêlant amour et mensonges dans le cadre de palaces de bords de mers.Quelques mois plus tard arrivera "Hors de prix",puis "L'arnacoeur" en 2010 et "Hôtel Normandy" en 2013.Quant à "Quatre étoiles",il s'inspire clairement de la screwball comedy américaine d'antan,avec jolie emmerdeuse et héros viril et bourru.Le début du film est assez laborieux,d'autant que les personnages sont au départ plutôt antipathiques.Franssou apparait comme une grosse débile fascinée par le luxe et le paraître,tandis que Stéphane est un enfoiré total obsédé par le fric qu'il pourrait extorquer à de potentielles victimes.Mais à mesure que l'histoire avance,les choses se mettent en place efficacement.Le scénario et les dialogues,coécrits par Christian Vincent et Olivier Dazat,se mettent à pétiller et à matcher,harmonieusement accompagnés par la musique d'André Manoukian,le juré évaporé de "Nouvelle star".La mise en scène,alerte et précise,détermine peu à peu les enjeux et développe des personnages plus complexes qu'il n'y paraissait.La fille,loin d'être la cruche que l'on pensait,va laisser émerger une personnalité ambigüe,à la fois ingénue soumise et perverse manipulatrice.A son contact,Stéphane va s'humaniser et revoir ses priorités.C'est cette double évolution qui nous est contée.Franssou a un coup de foudre immédiat pour cet homme flamboyant si différent du bonnet de nuit qu'est son compagnon parisien.Pour le conquérir,elle se soumettra à tout:subir ses rebuffades,sa rudesse pouvant aller jusqu'à la violence physique,obéir à ses ordres,participer à ses arnaques,lui donner son argent et même s'offrir à un autre homme.Mais en prenant soin de toujours lui imposer sa présence,se coller à lui,persuadée qu'elle est qu'il partage au fond ses sentiments.A raison d'ailleurs,car ce type,au-delà de ses actes délictueux,de sa malhonnêteté endémique et de son tempérament solitaire,souffre en fait d'un sérieux manque d'estime de lui-même.Ne s'aimant pas,il se croit incapable d'éprouver de l'amour pour autrui.Mais cette fille fantasque et obstinée le fera changer d'avis,au point de sacrifier une juteuse opération frauduleuse.Bien qu'il y ait là tous les ingrédients d'un sombre drame,l'humour et l'élégance du script transforment l'affaire en comédie sophistiquée.Incidemment,le film dépeint avec causticité la faune peu reluisante qui hante les hôtels de luxe,des clients blindés et capricieux au personnel servile et obséquieux,les premiers appelant les seconds par leurs prénoms dans une fausse connivence frelatée,sans oublier les escrocs gravitant autour des richards,prêts à profiter de la possible naïveté de ces gens déconnectés de la réalité.Et puis il y a le prodigieux casting,qui justifie largement les quatre étoiles du titre.Isabelle Carré,éclatante de naturel et qu'on n'a jamais vue aussi belle,incarne avec une magnifique subtilité les nuances d'un personnage fluctuant avec aisance au gré des situations tout en restant concentrée sur son objectif.Et elle est diaboliquement sexy et affolante dans ses petites robes moulantes.José Garcia est l'acteur idéal pour le rôle de Stéphane.Son abattage monstrueux et sa verve intarissable lui permettent de personnifier avec facilité cet homme en apparence solaire,tout en soulignant son côté noir et torturé.François Cluzet est comme la plupart du temps génial en éventuel pigeon.Il joue un ex champion automobile complètement à l'ouest,mais c'est bien lui qui est la F1 du cinéma français.Ses apparitions sont désopilantes et sa tirade sur l'air mérite de figurer dans les annales des dialogues insensés.Même les petits rôles ont été confiés à des très bons tels que Luis Rego,Michel Vuillermoz,Guilaine Londez,Jean-Paul Bonnaire ou Mar Sodupe.