Le Swinging London
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le 13 août 2017
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En pleine beatlesmania, pour surfer un peu plus sur le succès du groupe de Liverpool, vient l’idée de produire un film. Le cinéma n’est pas encore à l’époque un médium tellement utilisé en ce sens (l’exemple le plus notable étant Elvis), mais il devient une opportunité de diffuser un phénomène, juste pour l’exploiter, un petit peu plus. Si le point de départ apparaît purement intéressé (et c’est le cas), le traitement proposé surprend, par une qualité d’écriture et un potentiel comique indéniable chez les quatre Beatles, qui parviennent à communiquer leur énergie débordante.
« A Hard Day’s Night » invite à partager 36 h fantasmées de leur quotidien, avant une performance live à la télévision. Dans des versions alternatives d’eux-mêmes, John, Paul, George et Ringo vivent alors des aventures burlesques, en se retrouvant dans des situations pas possibles. Ils sont tournés en dérision, pour un résultat sans cesse drôle, et même si l’ensemble apparaît désuet, ce divertissement fonctionne à la perfection. Même près de soixante ans après, il dégage un plaisir de spéctateurice toujours aussi significatif, qui garantit de passer un excellent moment.
Le scénariste Alun Owen, qui a partagé du temps avec le groupe, s’est inspiré de son expérience pour concevoir les personnages du film. Il a élaboré des stéréotypes bien définis de chaque membre, pour en livrer une sorte de caricature, qui bien qu’elle puisse apparaître peu finaude sur le papier, est parfaitement interprétée par les quatre garçons dans le vent. Il y a une bonne humeur communicative, tout au long du métrage, qui rend cette comédie particulièrement réussie et terriblement fun, super facile à regarder et plus qu’agréable à suivre.
Alors que les péripéties s’enchainent, dans des situations totalement absurdes, le récit est jonché de nombreuses séquences musicales (il y avait un album à vendre, n’oublions pas). S’en dégage ainsi un mélange des genres des pus bienvenus, qui oscillent entre le mockumentaire, la comédie britannique (au non-sens omniprésent) et le film musical. Autant dire qu’il est difficile de s’ennuyer devant ce métrage, qui redouble sans cesse d’ingéniosité pour accrocher son audience, par une implication intégrale des personnes à l’origine de sa conception.
Pour le réaliser, il a été fait appel à un jeune cinéaste américain encore peu connu, Richard Lester, remarqué pour ses comédies loufoques. Cette marque de fabrique teinte d’ailleurs toute sa carrière, de ses trois « The Three Musketeers » à l’improbable « Superman III ». Avec un style proche du cinéma-vérité de la Nouvelle Vague française (qui influence alors beaucoup le cinéma américain), il propose une mise en scène inventive, qui cherche sans cesse le meilleur moyen de mettre en avant les nombreux gags. Et c’est là l’une des réussites de ce qui n’aurait pu constituer qu’un véhicule promotionnel, il n’a pas été fait avec les pieds mais avec de bonnes intentions.
Œuvre cinématographique, avant d’être une publicité, « A Hard Day’s Night » gagne sur tous les tableaux, en confirmant que les Beatles ne représentent pas juste un effet de mode éphémère, sans envergure, destinée à un public de midinettes. Si le groupe prouve par la suite sa qualité en tant qu’entité musicale, il démontre également avec ce film toute la passion et le sérieux qu’ils savent insuffler à leurs expériences artistiques. Avec une autodérision charmante, John, Paul, George et Ringo laissent un peu plus leur empreinte sur la pop culture, puisqu’ils partagent ici une influence non négligeable sur tout un pan de la comédie britannique.
L’humour absurde dont ils font preuve n’est pas sans évoquer le comique burlesque de Charlie Chaplin (un autre Anglais) ou de Buster Keaton. Il permet à la fois d’exprimer une notion de délire, celle de quatre jeunes musiciens qui ne se prennent pas trop la tête, et savent rester les pieds sur terre, en toute espièglerie. En même temps, cela témoigne d’une implication très sensée dans un art qui n’est pas naturellement le leur, mais qui se présente comme une extension tout à fait naturelle. Puisqu’au passage, les Beatles inventent quasiment le vidéo-clip.
Il est également possible de percevoir dans ce film tout un pan de la comédie britannique d’après-guerre, en particulier une troupe qui n’allait pas tarder à faire parler d’elle, les Monty Python, formés en 1968. En 1964, ses membres pratiquent déjà un humour révolutionnaire, séparément, mais des sketchs présents dans leur émission de TV « Flying Circus » font penser à certaines séquences de « A Hard Day’s Night ». En particulier celle du terrain sportif, où les Beatles se défoulent en courant partout, n’importe comment, en faisant n’importe quoi. De plus, l’histoire de ces deux formations est appelée à entrer en collision, puisque George Harrison sera en 1979 l’un des producteurs de leur « Life of Brian ».
Né d’un ringoïsme (une erreur de langage, ou un lapsus, comme Ringo Starr en faisait visiblement souvent), le titre même du film ressemble à une blague. Il est pourtant devenu emblématique d’un groupe, qui parvient à rencontrer le succès avec leur musique et avec leur proposition de cinéma. Les deux s’imbriqués dès lors tout naturellement au sein d’une osmose parfaite dessinant ce récit loufoque, absurde, faussement candide et surtout très fun, tout en démontrant le potentiel artistique (musicale, cinématographique, humoristique) des quatre polissons venus des docks de Liverpool.
Cette œuvre intemporelle se regarde avec toujours autant de plaisir, grâce à un humour parfaitement mis en scène et des personnages magnifiquement écrits et interprétés. Ajoutez à cela les tubes des Beatles, et vous obtenez un objet unique, qui fonctionne aujourd’hui comme l’aperçu d’une époque. Ce temps proche du Grand soir, prêt à renverser l’ordre établi, qui témoigne de la fougueuse envie de liberté d’une jeunesse bien décidée à vivre selon ses termes, en façonnant l’époque à son image : rebelle.
-Stork_
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Créée
le 29 janv. 2022
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