Il y a mille et une façon de rater un film, dont une, particulièrement ironique, qui consiste à le faire à la suite de trop bonnes intentions.


Que dios nos perdone, on s’en rendra compte bien tard, d’autant que le film est trop long, n’est finalement qu’un polar comme les autres, assez proche dans ses thèmes de l’Etangleur de Boston, les split-screens en moins. Mais on lui a adjoint un tel nombre de qualités supposées, grâce à de multiples ingrédients supplémentaires, qu’on peut se laisser souvent abuser par ses diverses saveurs avant de frôler l’indigestion.


La première de ses ambitions est celle du naturalisme : regard frontal sur la violence, qui dérive à plusieurs reprises vers la complaisance, caméra à l’épaule, portraits sans fard de policiers souvent condamnables, tout est fait pour l’effet de réel. S’ajoute à l’enquête une toile de fond qui semble reprendre le principe de son contemporain égyptien, Le Caire Confidentiel, entre les émeutes contre la crise et l’arrivée sur Madrid du Pape Benoît XVI en 2011.


Mais tout cela relève assez rapidement du prétexte. Certes, l’ambivalence des personnages est à mettre au crédit du récit (notamment celui du flic célibataire et cérébral lors d’une belle scène de séduction qui dérape), mais ces derniers ont tout de même du mal à prendre chair, et qui plus est à émouvoir.


Car l’autre argument est celui de l’ampleur donnée à cette enquête. Sur le modèle de récits fleuve comme Le Dahlia Noir – ou plus récemment, Dans ses yeux, le film se déploie en ramifications, joue la carte de l’abandon, du flottement et des conséquences funestes avant de retourner sur les rails initiaux. C’est souvent l’apanage d’un grand polar, qui touche à l’intimité des protagonistes et à un portrait noir d’individus, mais aussi d’une société. Or ici, on voit vraiment souvent les coutures, et l’affirmation de vouloir jouer dans la cour des grands l’emporte sur l’effet direct du film.


Il serait injuste de lui dénier de nombreuses qualités : le jeu des acteurs, la mise en scène, souvent maîtrisée (même si les plans séquences à l’épaule sont quelque fois dispensables), surtout dans sa gestion de l’espace, dans l’appartement trop spacieux d’un des flics ou la résidence un peu trop proprette de l’autre.


Mais l’ensemble se ficelle un peu mal, et s’effondre par endroit sous le poids de ses excès (le destin d’un des flics qui cumule les avanies, le portrait du tueur à la limite du grotesque) et de sa gradation vers l’explicite.


Il est peut-être un peu tôt pour clamer un âge d’or du polar après La isla minima, lui-même un peu surestimé il y a deux ans. Il n’en demeure pas moins que les espagnols s’investissent avec vigueur dans leur cinéma.

Sergent_Pepper
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le 18 août 2017

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Sergent_Pepper

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