Ne coupons pas les cheveux en quatre, le principal intérêt, seul intérêt même, de ce thriller pantouflard, c’est Jean Yanne. Il est tout simplement parfait en gros connard de compétition haineux et égocentrique, qui n’a dans les cales de sa bonté aucune once d’altruisme à distribuer au monde. Quand il n’humilie pas sa femme en société et qu’il ne tabasse pas son rejeton, il éclate du moutard avec sa Mustang avant de repasser un coup de seconde, pied au plancher, pour se carapater loin des lieux du drame. Le portrait est sans fioriture, assumé en tant que tel et permet tout simplement à Que la bête meure de retrouver un peu de couleurs à un moment où l’histoire commençait à faire du surplace.
Grand bien nous fasse qu’un tel personnage daigne sauver les meubles, parce qu’en dehors de cette raclure, il faut s’accrocher pour rester éveillé. Pourtant, la mise en bouche est géniale, entendre ce père qui vient de perdre un fils jurer qu’il va dézinguer celui qui l’en a privé, c’est jouissif. Le schéma du revenge movie dans ce qu’il a de plus définitif est tracé et la traque se met en route sans délai aucun. Mais la tournure que prend cette dernière est d’une platitude sans nom, entre ficelles scénaristiques immenses justifiées par une voix off qui trouve une explication à chaque approximation (on te dit que parfois, le hasard s’en mêle, pouf, monsieur s’enlise au même endroit que le tueur de son enfant, allons-y joyeusement …), avant de sortir les rames pour conter le dernier acte, sans inspiration, ni passion.
Il y a bien la relation esquissée entre un tueur et le fils de sa future victime qui relève un peu le niveau, mais elle n’est qu’effleurée. Que la bête meure est un film intéressant, dont le postulat de départ, universel et malsain, provoque d’emblée l’empathie d’un spectateur qui attend de pied ferme l’enquête et la vengeance qui vont suivre. Mais de ces deux composantes, il ne faut rien espérer, Chabrol passe le relai à Jean Yann et laisse tomber son histoire alors même que les rouages de son drame se mettaient en place. En témoigne un final précipité, sans saveur, uniquement servi par la même voix off qui a pompeusement rythmé le film, d’une manière on ne peut plus monocorde, dans sa plus grande partie.