J'ai une tendresse pour le Bob Fosse des 50's, le chorégraphe formidable de Ma soeur est du tonnerre ou de Pique-nique en pyjama, mais j'avoue être un peu moins convaincu par le cinéaste multi-récompensé des 70's, après tout, nul n'est obligé d'avoir tous les talents...

Bob Fosse raconte et met en scène ici sa propre vie, l'homme qui brûle sa chandelle par les deux bouts, l'accro aux femmes, à la cigarette, à la drogue, à l'alcool et surtout au travail, ce qui est toujours un peu plus compliqué pour moi à pardonner... Dans le rôle Roy Scheider est assez formidable, surtout que Fosse ne lui laisse à peu près aucune chance dans son auto-portrait sans complaisance, ça permet de suivre sans trop de déplaisir les auditions de son futur spectacle à Broadway et ses multiples aventures féminines entre son ex, sa nouvelle, sa fille et toutes les autres qu'il essaie gaillardement de se taper quand les trois premières lui laissent trois minutes de libres, douche comprise...

Nous sommes en 1979, l'horreur esthétique de la décennie suivante montre déjà le bout de son nez et il faut reconnaître que c'est déjà abominable... Imaginez la petite touche arty masturbatoire des 70's qui copulerait avec la hideur 80's, essayez de concevoir par dessus ce délicat mélange le baroque opulent fellinien qui chevaucherait dans la boue la vulgarité la plus fassbinderienne et vous commencerez à avoir une idée du film...

A un moment, après un numéro central aussi ridicule qu'interminable qui recelait les pires travers imaginable de son époque, j'étouffais, je rêvais de technicolor et de glamour bien léché, des visions rêvés d'un temps ou les génies de Broadway se voyaient comme de bons artisans où au moins faisaient semblant dans leur biographie, tout sauf ces immondes choses qui ressemblent à du Flashdance sans rythme... Faut m'excuser je viens de m'enfiler plein de biopics des années quarante sur le sujet, ça me manque...

Avec ça, le film est mal filmé, mal monté, mal photographié et lourdement écrit, je préfère ne même pas mentionner les innombrables scènes de montage d'un horrible film sur le stand-up (et pourtant j'aime beaucoup Lenny, justement, malgré des défauts dont je vous reparlais probablement un jour prochain) le tout pour un type franchement imbuvable qui ne trouve plus personne pour l'envoyer se faire foutre de temps à autre... Alors c'est le grand n'importe quoi, Jessica Lange par exemple, ou le personnage de John Lithgow qui tient du mélange entre la private joke et la basse vengeance...

Mais heureusement, de temps en temps, un numéro assez formidable, souvent avec la gamine d'ailleurs, viens gentiment me réveiller de mon doux ennui... J'allais pourtant craquer sur la fin et m'offrir un petit roupillon que mon dîner roboratif et ma couette chaude appelaient de tous leurs voeux lorsque le film bascule dans encore plus laid, encore plus vulgaire, encore plus délirant et là, subitement, quelque chose se passe, les costumes à paillettes et les collants roses deviennent presque gracieux, le décor métallique s'impose comme une évidence, l'aveu prophétique de Fosse se fait touchant et l'infinie laideur de l'ensemble confine presque au grandiose, ce qui justifierait presque d'avoir vu ce film...
Torpenn
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le 29 nov. 2013

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Torpenn

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