Que les gros salaires lèvent le doigt ! est le premier long-métrage réalisé par Denys Granier-Deferre, fils de Pierre. D’autres films suivront mais en très grande majorité destinés à la télévision. En cela, ce premier long-métrage marqué par une mise en scène sommaire, peu inventive est prémonitoire.
Les qualités de Que les gros salaires lèvent le doigt ! ne sont donc pas formelles, elles sont ailleurs. Elles résident d’abord dans le beau casting réuni qui fait se côtoyer acteurs expérimentés (Jean Poiret, Michel Piccoli) et jeunes acteurs en devenir (Daniel Auteuil, Tchéky Karyo, Patrick Bouchitey).
En patron maniéré, cynique, manipulateur, dénué de tout scrupule, Jean Poiret signe l’une de ses plus belles performances d’acteur. Ce rôle appelait au sur-jeu. L’acteur évite brillamment cet écueil en adoptant une diction spécifique et en jouant à plusieurs reprises (y compris dans une même scène) de l’humeur versatile de son personnage. Dans un rôle malheureusement accessoire, Michel Piccoli en « parrain » intrusif et opportuniste lui rend parfaitement la réplique. La confrontation de ces deux grands comédiens vaut à elle-seule pour argument de visionner ce film.
Enfin, sur fond de crise économique, Denys Granier-Deferre aborde (parfois caricature) le clivage entre employeur et employés. Les questions éthiques et morales traitées servent aussi de vecteur de clivage entre des employés (gros et petits salaires) plus ou moins serviles. Sur ce plan, le personnage incarné par Daniel Auteuil vaut pour étalon. Au fil de dialogues savoureux et tranchants empruntant amplement à un humour grinçant, la comédie filmée se montre féroce et vire à la satire sociale acide. L’absence totale de pathos et de sentimentalisme octroie une dimension troublante au film qui se pare ainsi d’une certaine misanthropie.