Que les gros salaires lèvent le doigt ! par Mickaël Barbato

André Joeuf est le patron d'un cabinet d'assurances. Pour un week-end, il invite ses employés dans sa maison de campagne. Mais derrière ce qui semble être une récompense, ce patron cynique cherche avant tout à déterminer lesquels de ses cadres il devra licencier afin de préserver son entreprise.

Il y a dans ce film une résonance qui frappera tout employé, et ce dès les premières minutes du film. On y voit Lumet (Daniel Auteuil) faisant le tour des bureaux afin d'organiser les départs de Juillet et Août. Tout le cynisme du film repose déjà dans ces quelques plans, où Lumet adapte sa question en fonction de son interlocuteur. Le spectateur ne peut que rire devant cette image, et pourtant... Et pourtant, dans un coin de sa tête, il ne pourra s'empêcher de penser à sa propre condition, au fait que lui-même, dans cette position exacte, agirait de la même façon.Le tour de force du film est bien là : rendre compte de situations réalistes, balancer le ridicule de celles-ci, provoquer le rire. Faire rire dans l'espoir de faire prendre conscience.
Et ce sera comme ça jusqu'à la fin, on assiste, le rire bien jaune, au dîner entre collègue où l'on parle boulot, aux jeux débiles sensés faire tomber la tension, aux couples qui feraient mieux de ne pas se former, toutes ces petites choses du quotidien vues dans la loupe de l'écran paraissent si irréelles...

Bien entendu, le final, la très connue séquence des chaises musicales paraît vulgaire par son évidence. Mais le réalisateur semble aller jusqu'au bout dans le cru, veut rester connecté avec le réel dans cette situation (pas du tout) romancée. D'ailleurs, la tension se fait ici véritablement palpable, et alors qu'on rit de voir ces abrutis (nous, donc) tourner comme des cons, pour leur survie dans cette entreprise qui les prive de tout honneur, la réaction du premier "exclut" ramène à un quotidien qui ne changera donc jamais. Glaçant de réalisme, le ton superficiellement rigolard laisse un goût fortement amer qui culmine quand on verra cette farandole ridicule quasiment se marcher dessus, se pousser avec force, pour une place au chaud. Pas de"femme et enfant d'abord", pas de priorité pour les handicapés, on se retrouve face à notre nature dans ce genre de situation : baisser les yeux, marcher droit, ce qui se passe à côté ne nous regarde pas.

A côté de ça, Granier-Deferre (qui est tombé dans l'anonymat juste après ce premier film) se dépatouille comme il peut. Sans véritable talent de mise en scène, c'est le royaume du champs-contrechamp, et même faisant preuve, parfois, d'un à peu près gênant, comme ce premier plan aux recadrages foireux, il réussit tout de même à bien installer quelques personnages. Bien aidé par une distribution de grande classe, comme Jean Poiret en patron cruel et cynique, tout simplement excellent dans son rôle, respirant le vrai. Piccoli est, comme d'habitude, excellent, même si son rôle, quasi omniscient, semble partiellement inutile au bon fonctionnement de l'intrigue.

Grâce à ce casting et ce réalisme, le film n'a que peu vieillit. Malheureusement, si on se lançait dans un remake, bien des choses seraient à rajouter, le fameux "esprit d'entreprise" par exemple, si gerbant d'hypocrisie, n'est pas traité. Mais ça reste assez percutant et juste pour qu'on rentre tout de suite dans le récit sans se retrouvé éjecté par un évènement daté. Triste constat, au fond.
Bavaria
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le 18 févr. 2011

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