Le Roi Arthur est mort, vive le Roi !
C'est avec un mélange de crainte et d'envie qu'on aborde la découverte de Que Ma Joie Demeure. On souhaite ardemment voir Alexandre Astier démontrer qu'il est capable avec brio de se défaire des habits du roi Arthur, mais on a si peur de le voir échouer.
Pour cette raison, on passe les premières minutes du spectacle à tout scruter, décortiquer, analyser, lumière, mise en scène, qualité du texte. Il suffit finalement qu'une dizaine de ces minutes s'écoule pour qu'on soit non seulement rassuré, mais qu'en plus on se dise qu'on va sans doute passer un moment exceptionnel.
Pourtant le pari est bougrement osé, Coluche avait dit en son temps qu'on peut rire de tout, mais il n'est pas certain qu'il avait imaginer que quelqu'un songerait un jour à faire rire une salle avec Bach. Astier réussi magnifiquement. Ce qui frappe immédiatement c'est qu'il est, non seulement acteur, producteur, comique et érudit, mais qu'en plus il sait jouer du clavecin et de la viole de guambe. Ce spectacle prend la forme d'un cours de musique que Bach est contraint, bien malgré lui, de nous dispenser. Il ne se prive pas de se payer notre tête d'ignorants en la matière, nous abreuvant volontairement et à haute dose de termes et de concepts que nous tentons tant bien que mal d'assimiler, pour son plus grand contentement.
La construction du spectacle est absolument claire et d'une efficacité redoutable, alternant les séquences d'enseignement, les scènes de la vie quotidienne de la famille Bach et les apartés que Bach nous accorde pour se confier. La plupart du temps s'est excessivement drôle, Astier interprète un texte très écrit et d'un humour raffiné, connaissant le sujet qu'il aborde, on alterne le comique de situation, de répétition, Astier y ajoutant sa touche d'héritier revendiqué de Louis De Funès. Il n'oublie pas non plus de replacer le personnage dans son époque, nous rappelant quelle y était la précarité de la vie humaine, même lorsqu'on est un imense compositeur.
La mise en scène est plutôt minimaliste, le décor étant composé d'un clavecin, d'un tableau noir (parfois détourné de son usage) et d'un banc. Les jeux d'éclairages permettent de bien identifier telle ou telle séquence, suivant l'élément de décor mis en valeur.
Alexandre Astier confirme donc un talent, jusque-là juste soupçonné, de très grand acteur non seulement comique, mais aussi dramatique. Il démontre que l'intelligence, l'érudition et la culture n'ont rien à voir avec la prise de tête et le pédantisme, nous ne rions pas de Bach mais grâce à lui et c'est formidable.