L'art d'écrire une critique (plus ou moins) courte et concise (volume 4)

Elle vrille Elisabeth Moss. Au sommet du désespoir, sidérante, désespérante. Une Gena Rowlands en pagaille, déchirée, au bout du rouleau.
Et quand le film commence, tout se fracasse déjà, comme si tout avait déjà commencé depuis belle lurette, comme si le monde, le visage en larmes, l'infime désespoir du personnage, continuaient leur course folle, celle de la vie, la vraie. Comme si l'on observait en cours de route le bout d'existence d'une femme au bord de la crise de nerfs, et qu'en observant, en s’imprégnant de ce personnage déchirée par la vie, on se fracasse contre le mur en même temps qu'elle. Les larmes du visage, les yeux noirs qui coulent, la vie qui se fracasse en deux au travers de ses paroles, mots qui s'échappent sans réfléchir, spontanéité trop forte, trop grande, nécessité de dire.


Le film commence ainsi, brut, fracassant, sans prévenir.
Parfois, c'est du Cassavetes à l'état pur : monologues sans fin qui prennent vie au travers de gros plans à couper le souffle, infime désespoir, larmes, colère, mots qui blessent, s'écorchent, grain des images et des couleurs qui ne cessent de vriller, caméra qui vole, caméra qui dévie et se perd dans l'immensité d'un visage.


Ainsi, ce sont ces images d'une somptuosité effarante, ces nombreux gros plans sur les visages qui font qu'on retient notre attention, ces dialogues, monologues, qui parlent et parlent, foudroyants de désespoir, d'intensité, de justesse, de vie.


Mais nous ne retenons que cela. Parce que nous ne comprenons pas grand chose, hormis le désespoir infime de cette femme au fond du gouffre, Elisabeth Moss écorchée vive, regard noir, cheveux en pagailles, n'a jamais été aussi belle dans son infime beauté désespérante. Visage juvénile paumé dans le monde, elle n'en peut plus. L'effarante actrice devient alors méconnaissable lorsqu'on l'avait seulement entraperçue dans Mad men ou dans Top of the lake. Ici au sommet, sidérante, insaisissable, avec cette dureté dans le regard, ces mots violents, dur, blessants, qu'elle lance gratuitement en plein visage, de ses yeux qui n'en peuvent plus de mentir, qui veulent tout dire, maintenant, et tout de suite. La nécessité d'éclater au visage des autres, la nécessité d'éclater son désespoir, indicible, aux yeux du monde, et de se fracasser là, sur la table de la cuisine, parmi celui qu'elle haït, peut-être trop. Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Au fond du gouffre qu'elle est la belle.

Lunette

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