Queer
5.9
Queer

Film de Luca Guadagnino (2024)

Avec Queer, Luca Guadagnino adapte l'autofiction confessionnelle éponyme de William S. Burroughs... à sa manière : esthétique léchée, maîtrise visuelle, aux tons pastels, renouant toutefois avec une relative "sobriété" narrative — qui tranche avec certains de ses précédents films. Daniel Craig endosse avec brio la peau de William Lee, avatar de Burrough, et Drew Starkey, figure diaphane, sert de miroir plastique à cet amour à sens unique. Si cette relation, discrète et sans grands éclats, offre un certain charme (facile), elle laisse le film globalement en demi-molle.


Un univers soigné mais trop lisse

Guadagnino ne déroge pas à sa signature visuelle, ici : entre les décors en studio, l'apparence "maquette" de l'ensemble — évoquant Edward Hopper sur fond de panoramas de cartes postales. Cependant, cette esthétique filtrée de réseau social sans contraste étouffe en filigrane toute possibilité d'émotion au profit du plaisir superficiel de sa composition. Les scènes, bien qu’élégantes, peinent à marquer. Sobriété ne signifie pas ici profondeur : aucun moment ne parvient vraiment à s’imprimer dans la mémoire.


Manque de contraste et d'audace

Le traitement du récit est conventionnel, privant malheureusement l’histoire de la densité poétique à laquelle on aurait pu s'attendre. Là où The Staggering Girl profitait d’une narration labyrinthique pour enrichir son esthétique impeccable purement bourgeoise, Queer s’enferme dans une simplicité qui ne fait qu’exposer ses limites. Malgré les cauchemars, les scènes de sexe explicites, le film manque de scènes fortes (et non pas "forcées"), capables d’enrichir cette exploration d’un amour obsessionnel : sans doute le choix délibéré d’éviter les travers sombres de Burroughs, connu pour sa plongée dans la saleté mentale, l’inconfort et l’obsession – ici, ces éléments, une fois tamisés par Guadagnino, deviennent artificiels et stériles.


Surcharge narrative et sonore qui met au pilori toute équivoque

Bien que le film aurait bénéficié de davantage de temps morts pour aérer son rythme, il reste globalement cohérent et maîtrisé. Cependant, Guadagnino le surcharge par moments avec certains choix narratifs malvenus (pour les rabat-joies dans mon genre). Sa bande-son, sa playlist encombrante, étouffe les scènes qui auraient bénéficié de silence ou d'une ambiance sonore réaliste. De même, les séquences de rêve et de trips hallucinatoires sont filmés comme des visions artificielles et balisées, empêchant le spectateur de douter/de croire pour plonger dans ces réalités alternatives. Les effets spéciaux, subtils et bien intégrés, sauvent en partie ces séquences, mais elles auraient gagné en puissance avec davantage de retenue en les cadrant avec un poil plus de réalisme afin de semer le trouble.


Conclusion

Tout y est beau, mais sans relief. Un univers soigné, mais qui s’évapore sitôt vu.



Mes peu-originales recommandations pour aller plus loin dans l'univers de Burrough, ou propositions de films (auxquels j'ai pensé pendant la projection) :

- Le Festin Nu (1991) de David Cronenberg.

- Mourir comme un homme (2010) de João Pedro Rodrigues.

- Les Garçons Sauvages (2017) de Bertrand Mandico.

- La Montagne (2023) de Thomas Salvador

Bernard-Christophe
5

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Créée

le 23 janv. 2025

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