Burn baby! Burn!
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Les succès à l'écran de Marlon Brando exaspèrent Hollywood qui a du mal avec cette star capricieuse, trop indépendante et surpayée, car ce sont autant de victoires personnelles gagnées sur une profession qui l'accable au moindre faux pas. En 1969, à ce stade de sa carrière, Brando tourne moins et s'enflamme pour des productions peu commerciales ; ainsi, Queimada correspond à cette passion de l'acteur pour un projet visant la défense des minorités noires. C'est aussi l'époque où Brando fuit le monde et surtout Hollywood pour aller s'isoler sur une île du Pacifique et affirmer ses positions écologiques.
Queimada est une co-production franco-italienne de bonne tenue, au budget assez raisonnable et bénéficiant d'une bonne reconstitution historique, mais c'est aussi un drame historique intéressant pour ses manipulations politiques fomentées par l'agent provocateur incarné par Brando ; grâce à lui qui porte le film sur ses épaules, le projet prend une certaine dimension car il aborde un sujet qui n'aurait sans doute pas trop attiré le public, d'ailleurs le film fut un échec commercial. Pourtant, il se révèle un document passionnant sur la politique extérieure britannique.
Dès le début, ce projet buta sur un os : s'inspirant d'un fait historique au cours duquel les Espagnols réprimèrent en 1520 une révolte sur une petite île des Caraïbes, le réalisateur et ses scénaristes durent apporter des modifications devant les menaces de boycottage des autorités espagnoles, si bien que de colonie espagnole, cette île fictive passa de Quemada (titre espagnol) à Queimada (titre portugais) et devint une colonie portugaise non plus au XVIème siècle mais en 1845. L'intérêt du film réside dans la manoeuvre de William Walker incarné par Brando, agent anglais qui manipule les Portugais en fomentant une révolution pour permettre au gouvernement britannique de s'emparer du monopole de la canne à sucre, tout en poussant le gouverneur (incarné par Renato Salvatori) à réclamer l'indépendance de l'île.
Tour à tour cauteleux, cynique et calculateur, Brando est magnifique dans ce rôle, et le fait que le réalisateur ait choisi pour interpréter le révolutionnaire local, un authentique coupeur de canne à sucre qui n'avait jamais vu un film de sa vie, crée une stupéfiante opposition entre cet acteur d'occasion (Evaristo Marquez) et Marlon Brando, alors énorme star à l'époque, et au métier très sûr. La mise en scène est très efficace dans les scènes de foule, la révolte des indigènes, et le carnaval, on y discerne une certaine violence sanglante et un peu d'érotisme latent propre à la nonchalance d'une vie insulaire au XIXème siècle dans les Caraïbes. On peut aussi y voir une ressemblance avec la révolte de Toussaint Louverture à Saint-Domingue au tout début du XIXème siècle. Un film assez méconnu qui mérite une attention, bien soutenu par une bonne partition d'Ennio Morricone.
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Créée
le 14 mai 2020
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