Un documentaire essentiel pour tenter d'approcher au plus près l'essence d'une personnalité hors normes, et au delà analyser les ressorts internes de ce que peuvent vivre au quotidien les autistes asperger et plus généralement les atypiques de tous bords. C'est brillamment mise en scène et la rhétorique illustre parfaitement le décalage abyssal que l'on peut ressentir lorsqu'on ne se sent appartenir à aucune catégorie humaine. La violence intérieure est une épuisante rengaine dont on ne sort jamais complètement indemne, et il faut tout un cheminement intellectuel ainsi qu'un accompagnement social, culturel et psychique pour rester debout dans l'adversité.
Merci Diego Governatori et Aurélien Deschamps pour votre passionnant témoignage, en espérant qu'il se prolonge d'une manière ou d'une autre car il demeure essentiel de rendre visible toute une partie conséquente de la société qu'on connaît si mal et dont on parle si peu dans le débat publique (il suffit pour s'en convaincre de voir le peu de cas de la santé mentale dont se portent garant les candidats à la présidentielle actuellement, occupés à leurs habituels bisbilles démagogiques, à droite comme à gauche. C'est pourtant un débat plus que jamais essentiel en ces temps de fragilité démocratique et societale)
"V.O. Le cinéma indépendant
26 septembre 2019 ·
???? QUELLE FOLIE : VU & APPROUVÉ
Ce documentaire impressionnant réalisé par Diego Governatori brosse le portrait de son ami Aurélien diagnostiqué autiste “syndrome Asperger” voilà quelques années. A travers cette immersion dans « l’objet autistique », il cherche à dépasser le « point d’aveuglement » en devinant un endroit difficilement accessible, quelque chose qui ne se représente pas, et dont il faut trouver l’écho, le reflet. A l’aune de ce défi, il amène Aurélien à se connecter à lui-même, à se prêter au jeu de la parole, malgré la sensation permanente de celui-ci d’être toujours « de l’autre côté ».
Dans ce monde intérieur fait de tempêtes et d’instabilité, où Aurélien se trouve en proie au ressassement, à l’épuisement et à l’angoisse (« Quelle tension ! », « Quelle folie ! », répète-il à foison), la parole se cherche et se trouve par instants de manière lumineuse. Par exemple, la lucidité d’Aurélien et la clarté de ses paroles pour décrire ses symptômes, impressionnent. En voici un aperçu synthétique :
- la complexité à dire et l’absence de continuité d’être : une sensation de gouffre, de vertige l’amenant à se dissocier de tout ce qu’il vient d’énoncer. Pris dans une « clôture d’enfermement », l’ordre d’exposition n’arrive pas à se faire ;
- une perception oppressante du « social », dont Aurélien dit qu’il l’ « assassine tous les jours » ;
- la difficulté à comprendre la plasticité du corps : n’arrivant pas à localiser la douleur, celle-ci envahit tout, le submerge et l’anéantit;
- le caractère obsessionnel de l'autisme et ses modélisations aberrantes, la volonté extrême de préciser toujours plus, introduisant de la difficulté à la relation sociale et amoureuse ;
- la difficulté à incorporer les codes qui régissent les liens et les interactions sociales"