Elle est bizarre cette comédie, immorale. On n'a pas l'habitude de voir des personnages se tromper sans que l'auteur ne pose jamais la question de savoir si c'est bien ou mal, si ça peut blesser l'autre ou pas. C'est un peu dérangeant du coup. Mais en fait c'est pas plus mal. Les personnages peuvent tous être de vrais salopards, ça n'enlève rien à la quête. Et puis ça donne un écho un peu plus 'réaliste' de notre réalité. Parce que bon, faut arrêter de croire qu'il existe des gens purement bons tout comme il existerait des gens purement mauvais. Je suis sûr qu'Hitler pouvait être un type très sympathique.
Quant aux gens bien, j'ai toujours cru que mon cousin était un ange. Ça me mettait un peu rogne de le voir toujours avec de bonnes intentions, bourré d'amis parce que sachant être gentil avec tous, protégeant les faibles etc. Et puis cette année il m'a invité à manger chez lui et on a reparlé du temps où l'on dormait l'un chez l'autre et qu'on jouait à des jeux ; il gagnait tout le temps même aux jeux de hasard, je me disais naïvement que sa chance était due à sa bonté, une sorte de récompense divine. La belle affaire ! En plus, il me laissait pas mal d'avantages, comme par exemple au jeu de plateau dont j'ai oublié le nom, dans lequel on a des petits cyclistes et il faut leur faire faire le tour de France (un bête circuit en fait) le gagnant devient alors maillot jaune. Je me souviens qu'aux dernières parties, il me laissait un tour d'avance, je le trouvais sympa. Lors de ce fameux repas qui a eu lieu il n'y a pas très longtemps, il m'a appris qu'il jubilait intérieurement à chaque fois qu'il gagnait. Pire, il était trop trop fier de m'écraser quand je perdais malgré mes tours d'avance. Et lorsqu'il était sur le poids de perdre ou bien qu'il perdait une petite partie sur dix, il m'injuriait mentalement, ne supportant pas de perdre. Même avec des gosses, encore aujourd'hui, il ne supporte pas de perdre et prend un énorme plaisir à rétamer son adversaire quel qu'il soit. Ce n'est certes pas de la méchanceté pure, mais ça reste un comportement dévalorisant. J'ai aussi appris, toujours cette année, qu'il ne prenait pas au sérieux les cas de 'dys' à l'école (dyslexie, dyscalculie, dysgraphie, etc.) alors qu'il est professeur et encore moins les soi-disant 'HP' et autre hyperactifs qui ne seraient que des tire-au-flanc qui ont trouvé une bonne excuse pour bénéficier d'une discrimination positive. Bon en fait, je m'éloigne carrément du sujet. Tout ça pour dire que le film propose des personnages intéressants parce qu'ils sont loin d'être lisses.
Les personnages ne sont tout de même pas très bien construits : ils ont l'air de deux lunatiques, changeant d'avis l'un sur l'autre constamment, sans avoir de bonne raison, juste selon le caprice du scénariste. Car s'ils sont vraiment lunatiques, ce trait de caractère n'est jamais vraiment exploité en tant que tel dans des situations spécifiques, non, cela se constate juste dans le changement de rapport constant et injustifié entre les deux frères. Les personnages féminins ne sont pas plus creusés mais apparaissent beaucoup moins à l'écran.
N'empêche qu'il reste des petites choses sympas notamment dans cette fraternité parfois touchante. Certaines situations donnent envie d'avoir un frère ou un ami avec qui s'entendre aussi bien. Parfois Timsit et ses co-scénaristes touchent juste et c'est beau.
L'humour fonctionne assez bien. Je regrette seulement que la sobriété des débuts laissent la place aux sempiternelles grimaces et gesticulations du cinéma français ; on est tout de même loin des accentuations de syllabes accompagnées de grimaces horribles. C'est plus calme quelque part, plus sobre, et cela donne l'impression au spectateur qu'on ne lui impose pas le rire. Même la musique va dans ce sens, on a une vraie BO et non pas juste un orchestre accompagnant les mouvements grotesques des personnages comme c'est trop souvent le cas.
Le récit accuse aussi quelques chute de rythme. C'est un peu décousu malgré les objectifs clairement déterminés. C'est souvent à cause des comportements des personnages qui occasionnent certains problèmes qui se résolvent un peu trop facilement d'eux-même (ce qui donne l'impression que rien ne peut leur arriver de réellement grave).
La mise en scène est assez inventive. Je dois dire que je ne m'y attendais pas. J'ai même envie de faire le rapprochement avec le cinéma d'Edgar Wright : son montage est dynamique et parfois même étonnant (notamment le cut incisif des douches mais aussi la nuit de sexe avec l'appui de vitamines, cette séquence est vraiment ahurissante et n'a absolument rien à voir avec le cinéma français populaire que l'on connaît). Les angles de vue sont bien choisis : pas forcément novateurs mais ils permettent une immersion plus forte (comme la séquence du double étranglement).
Enfin, les acteurs font du bon boulot. Je suis pas habitué à Timsit mais il m'avait toujours semblé plus excentrique d'après mes souvenirs. Ici il est relativement calme (surtout durant la première moitié), il joue tout en retenue et avec élégance : il n'appuie pas l'humour ce qui le rend paradoxalement encore plus efficace. Garcia se lâche aussi petit à petit, commence très sobrement pour finir dans la débauche qu'on lui connaît, mais toujours avec cette rigueur, cette maîtrise qui fait de lui un grand comique du cinéma français (dommage qu'il ne trouve plus de projet à sa hauteur...). Mais son jeu est toujours juste. Et même lors du happy ending un peu forcé au niveau de la narration, son jeu (mais aussi celui de ses partenaires) aide à faire passer la pilule parce qu'il joue à nouveau dans la retenue. Les actrices aussi sont agréables. Un peu plus folles dans leur prestation peut-être, pour rendre les personnages plus marquants étant donné qu'elles n'apparaissent que très brièvement (un film de machos). Pour en revenir au couple principal, Garcia et Timsit ont l'air de s'entendre à merveille, c'est un vrai bonheur de les voir pisser ensemble et s'embrasser.
En fait, ce film n'est pas du tout une comédie populaire, c'est plutôt une satire sociale, pas toujours bien rythmée, l'écriture accusant de sérieux problèmes au niveau de la construction des personnages, mais qui parvient à sonner juste par moment grâce à son honnêteté, grâce à la complicité des personnages/acteurs. Surprenant.