La nuit que troue une lumière crue dans une salle d'hôpital et le regard fiévreux d'un homme qui émerge des bandages.
Il a mal et voudrait parler, mais en vain, souffrance physique et morale, une amnésie qui l'isole et le rend impuissant à communiquer.
Qui est-il ? Où est-il? Il a tout oublié, juste conscient de cette douleur qui lui vrille la mâchoire après l'opération qu'il vient de subir.
Mais la vie reprend ses droits, et l'homme se trouve bientôt en possession d'une identité qui fait de lui un certain George Taylor, avec pour seuls repères de son passé un nom qui ne lui rappelle rien : Larry Cravat et la lettre haineuse d'une femme qui "voudrait le voir mort".
Début prometteur pour un film noir de 1946 signé du maître Mankiewicz, où John Hodiak, beau brun viril à la fine moustache se débat avec ses maigres indices dans une histoire qui le dépasse complètement.
Mais cherchez la femme : elle va apparaître sous les traits d'une jeune chanteuse à la fois mutine et charmeuse, qui prend sous son aile le héros perdu mais tenace, l'homme fragilisé par cette perte de mémoire qui le réduit à un être sans passé et donc sans avenir.
Une belle amoureuse, des truands vils et sans âme à la recherche d'un magot caché, un vieil homme témoin d'un meurtre sur les docks, qui aura juste le temps de livrer son secret, un patron trop gentil pour être honnête, un policier fin limier sous son flegme apparent, tels sont les ingrédients classiques de ce polar élégant et maîtrisé avec bien sûr le happy end tant attendu où tout arrive à point à qui sait attendre, où le méchant est puni et le bon récompensé : toujours un peu manichéen mais si gratifiant!
L'une des premières oeuvres du cinéaste filmée dans ce noir et blanc qui donne tant d'expressivité aux visages et accentue l'atmosphère mystérieuse et angoissante de la traque et des dangers qui surgissent au coin d'une rue ou dans l'ombre propice d'un jardin : oui, j'ai aimé.