Auteur mythique du roman Je suis une légende en 1954, l'écrivain et scénariste américain Richard Matheson marqua de son empreinte le grand et le petit écran au cours du 20ème siècle. De ses débuts au cinéma avec l'adaptation de son roman L'homme qui rétrécit par Jack Arnold en 1957 à sa participation à la série créée par Rod Serling La Quatrième dimension entre 1959 et 1964, en sus de ses collaborations avec Roger Corman et Dan Curtis, respectivement dans les années 60 et 70, le pessimiste et rêveur Matheson œuvra au cours de sa vie comme l'une des figures incontournables du genre fantastique et science-fictionnel. En 1975, le romancier, avec Le Jeune Homme, la Mort et le Temps, lauréat du Prix World Fantasy du meilleur roman l'année suivante, s'écartait de la SF pure et dure pour intégrer sous fond de voyage dans le temps une romance entre un jeune dramaturge et une actrice de théâtre. Cinq ans plus tard, fort du succès au box-office en 1978 avec la suite des Dents de la mer, le français Jeannot Szwarc adaptait le roman de Matheson, ce dernier en signant le scénario.
Premier long métrage de Christopher Reeve depuis le monumental succès de Superman (1978), Quelque part dans le temps connut une tout autre destinée lors de sa sortie aux États-Unis en octobre 1980. Fraichement accueilli par la critique, mal distribué et sorti en pleine grève de la Screen Actor's Guild, le long métrage accumula tant les obstacles que celui-ci avait tout pour devenir une décennie plus tard l'exemple type du film culte, ce qu'il est devenu Outre-Atlantique depuis la création du fan-club officiel en 1990, le International Network of Somewhere In Time Enthusiasts (I.N.S.I.T.E.), dont les membres se réunissent chaque année au Grand Hôtel.
Un an après C'était demain de Nicholas Meyer, qui voyait l'écrivain H.G. Wells (Malcolm McDowell ) poursuivre Jack l'Éventreur (David Warner) dans un San Francisco contemporain, Quelque part dans le temps reprenait donc le thème du voyage intertemporel, à ceci près qu'il n'était pas question ici de machine ou de technologie permettant un tel périple. Influencé par l'auteur John Boynton Priestley et son livre L'Homme et le Temps (1964), et par le roman de Jack Finney Le Voyage de Simon Morley (1970) qui appliquait déjà le même principe (controversé) basé sur l'autohypnose afin de persuader l'esprit du voyageur qu'il est dans le passé, Richard Matheson lève toutefois dans son scénario, contrairement à son roman, toute ambiguïté quant à la véracité de l'expérience de Richard Collier (la tumeur au cerveau du héros indique dans le roman qu'il s'agit en fait d'une série d'hallucinations).
Inspiré pour son roman par sa propre découverte du portrait de l'actrice américaine Maude Adams (1872-1953), auquel le personnage d'Elise McKenna emprunte plusieurs éléments de sa biographie (dont son isolement volontaire ou la relation protectrice de son agent joué par Christopher Plummer), Richard Matheson y décrit ce qui découlerait d'un tel coup de foudre si le personnage principal pouvait remonter le temps. Marqué par le classique des années 40, Le portrait de Jennie (1948) de William Dieterle, Jeannot Szwarc met, dès lors, en scène une romance au charme volontairement rétro teintée d'accents mélodramatiques (les deux amants sont voués à se séparer, le voyage dans le temps étant aux yeux du pessimiste Matheson autant une opportunité qu'une malédiction).
Porté par l'interprétation de ses deux acteurs principaux et par la musique de John Barry, Quelque part dans le temps aurait sans doute gagné à exploiter davantage certains aspects liés aux paradoxes du voyage temporel (des malentendus d'un Richard Collier provenant du futur) ou à développer d'autres fragments (les dons de prescience de son agent William Fawcett Robinson qui avait prévenu Elise McKenna de l'arrivée d'un homme qui changerait sa vie). Qu'importe. La romance délicieusement surannée prime sur le reste.
En marge des productions de l'époque, l'argument fantastique se situant à mille lieux de la science-fiction alors en vogue, Quelque part dans le temps s'inscrit désormais comme un classique du genre.
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