Propos préliminaires : la critique que vous vous apprêtez à lire, cher lecteur, chère lectrice, a pour finalité d'établir une passerelle entre A Monster Calls et Miraï, ma petite sœur, deux films qui n'ont, à première vue, rien en commun mais qui comptent pourtant certains points de convergence. Ainsi, avant de poursuivre votre lecture, il est préférable de les avoir vus au préalable au risque de vous révéler certains éléments clés.


Si l'un est un film d'animation japonais qui relate l'histoire d'un jeune garçon de quatre ans qui doit accepter l'arrivée d'un nouveau-né au sein de sa famille et l'autre un film fantastique mêlant prise de vue réelle et animation et qui a, lui aussi, pour protagoniste principal un jeune garçon, un peu plus âgé que celui du film de Mamoru Hosoda, qui voit sa mère s'affaiblir de plus en plus sous le poids du cancer, force est de constater que A Monster Calls et Miraï, ma petite sœur s'attarde sur des moments charnières de l'enfance.


Les contextes ainsi exposés sont, comme vous pouvez le constater, très différents, le second étant beaucoup plus dure et triste que le premier. Mais ce qui est intéressant, c'est que, pour faire face aux situations auxquels ils sont confrontés, Conrad et Kun vont faire appel à leur imagination, que ce soit en rêvant d'un if capable de se déplacer et de parler ou en s'imaginant pouvoir rencontrer des membres de sa famille à différents moments, aussi bien dans le passé que dans le futur (à titre d'illustration, Kun rencontre son grand-père qu'il n'a jamais eu l'occasion de voir de son vivant ainsi qu'une version plus âgée de sa sœur qui vient tout juste de naître), lorsqu'il se retrouve à proximité d'un chêne planté dans son jardin. Partant, l'Arbre occupe une place essentielle dans ces deux histoires mais également au sein de la famille des deux jeunes protagonistes. Dans Miraï, ma petite sœur, le chêne peut être qualifié de base de données naturelle qui recense toute l'histoire de la famille de Kun tandis que le Monstre qui rend visite à Conrad pour lui conter des histoires fut jadis l'amis imaginaire de la mère de ce dernier lorsqu'elle était plus jeune (sans compter que Liam Neeson, qui prête sa voix au Monstre, apparaît sur une photo, ce qui laisse à penser qu'il incarne également le grand-père de Conor). Cela n'est pas anodin lorsque l'on sait qu'il est de coutume de représenter l'historique familial par un arbre généalogique.


Nous pouvons nous attarder davantage sur la symbolique des deux conifères puisque, selon l'Encyclopédie des Symboles de Michel Cazenave, ils ont toujours été utilisés, et ce dans de nombreuses cultures, comme des symboles d'immortalité. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est courant de trouver, notamment en Angleterre et en Irlande, des ifs dans les cimetières, comme c'est le cas dans A Monster Calls. Il a pu être soutenu que cette pratique était motivée par la peur qu'avaient les hommes vis-à-vis de leur trépas, cherchant à le retarder à tout prix. Souvent considéré comme étant le gardien des défunts, l'if est associé à la mort. Cela s'explique aussi par le fait que la sève ainsi que les fruits de cet arbre sont toxiques. C'est pourquoi d'autres théories avancent que les ifs étaient plantés dans les cimetières afin que les animaux, notamment les chevaux, qui ne pouvaient rentrer dans ces lieux sacrés, n'en mangent pas. Cependant, comme tout poison, il est possible de le transformer en instrument de guérison (encore aujourd'hui, des molécules produites par certaines espèces d'ifs sont utilisées dans la lutte contre le cancer), à condition de bien connaître les propriétés de l'arbre. Une nature duale caractérise donc cet arbre. La tirade du Monstre ("How can a prince be a murderer and beloved by his people? How can an apothecary be evil-tempered but right-thinking? How can invisible men make themselves more lonely by being seen?") souligne très justement ce paradoxe.


A l'inverse, de manière plus classique, la symbolique du chêne s'explique par le fait qu'il s'agit d'un arbre très robuste et qui vit donc longtemps (les mots "robuste" et "robustesse" tirent leurs origines du le mot latin robur que les romains utilisaient pour désigner ce conifère). C'est pour cela que cet arbre a pu être utilisé pour commémorer un souvenir (un chêne a, par exemple, été planté place de la République, en 2016, en souvenir des victimes des attentats de 2015). On retrouve cette idée de longévité également chez les ifs puisqu'ils sont toujours verts et existent depuis de très nombreuses années.


Par ailleurs, j'ai pu lire que méditer sous un if apporte la sérénité et l'acceptation des grands cycles de vie et de mort. S'il ne m'a pas été possible de confirmer la véracité de cette information, je trouve cette dernière particulièrement appropriée puisque c'est précisément ce dont il s'agit dans A Monster Calls : Conor doit accepter de lâcher prise et de laisser partir sa mère. En gardant cela en tête, les dernières répliques de la rencontre précédant la troisième histoire prennent tout leur sens (- If you are a tree of healing, then I need you to heal (Conor) - And so I shall (le Monstre)). L'Acceptation occupe aussi une place importante dans Miraï, ma petite sœur : Kun doit accepter le fait qu'il ne soit plus au centre de l'attention de ses parents mais également son nouveau rôle qui est celui de grand frère de Miraï. Ainsi, les rôles tenus par le chêne et l'if apparaissent assez similaires, bien qu'on pourrait être amené, aux premiers abords, à penser différemment.


En outre, que ce soit dans Miraï, ma petite sœur ou A Monster Calls, les limites entre la réalité et l'imaginaire sont brouillées le temps de quelques scènes. Sur ce point, le film de Juan Antonio Bayona fait beaucoup penser au Labyrinthe de Pan. Appréciant beaucoup le film de Guillermo del Toro, retrouver un esprit similaire à ce dernier m'a beaucoup plu. Les tons des deux films sont également très similaires car ils s'inscrivent dans des contextes très durs et adoptent le point de vue de Conor et d'Ofelia, deux jeunes gens qui tentent de s'échapper à travers leur imagination. De plus, le personnage du Monstre est très semblable à celui du Faune car ils sont à la fois terrifiants, particulièrement au début (même si les jeunes héros ne semblent pas un instant intimidés), et bienveillants. En revanche, si le Labyrinthe de Pan est définitivement un film qu'il ne vaut mieux pas découvrir trop tôt, tant pour le cadre historique dans lequel l'histoire s'inscrit que pour son côté horrifique, il en va différemment pour A Monster Calls. Le film aborde une thématique qui peut paraître inappropriée pour un enfant mais il rend cette dernière si accessible qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a, au contraire, tout intérêt à ce qu'on le montre le plus vite aux plus jeunes (une fois franchi le cap des 12 ans par exemple). On ne saurait donc dire de manière tranchée si le public auquel il s'adresse est un jeune public ou un public plus adulte. Encore une fois, une réplique du film vient illustrer ce postulat ("a boy, too old to be a kid, too young to be a man"). Le film joue beaucoup sur cette idée que tout n'est pas toujours noir ou blanc, notamment lorsque Conor cherche à tout prix à savoir qui sont les gentils et les méchants des histoires du Monstre.


Par opposition, avec Miraï, ma petite sœur, la question ne se pose pas. Ce propos doit néanmoins être nuancé car si l'esprit du film de Mamoru Hosoda peut faire penser à celui de Coco des studios Pixar, avec cette chaleur et cette gaieté ambiantes, on constate l'effet inverse à celui évoqué plus haut à propos de A Monster Calls : le sujet du film se veut très classique mais l'approche choisie par le réalisateur japonais complexifie sa compréhension. Si le film s'adresse avant tout aux enfants, n'allez pas croire que l'action soit limpide. A titre d'illustration, le premier membre de la famille que va rencontrer Kun, grâce au chêne de son jardin, est son chien. Or, celui-ci apparaît sous les traits d'un être humain. Ce choix est assez déroutant (je me souviens même m'être demandé en quoi consistait son intérêt) mais en réalité, cela permet à l'animal de faire comprendre à son jeune maître qu'il a lui aussi connu cette sensation d'être laissé pour compte lorsque ce dernier est venu au monde. Toutefois, l'assimilation entre le chien et ce personnage ne tombe pas sous le sens. L'interaction entre le monde du rêve et la réalité peut aussi prêter à confusion. On peut mentionner ici la scène où Kun et ses nouveaux amis imaginaires essayent de ranger les poupées de l'Hina Matsuri. Contrairement à A Monster Calls, où il est aisé de comprendre que le Monstre n'est que le fruit de l'imagination de Conor (la scène de la cantine est la plus pertinente ici), les limites sont davantage confondues dans Miraï, ma petite sœur. Enfin, l'idée du chêne généalogique interactif est bien trouvée mais n'en demeure pas moins complexe. Malgré le fait que le film réussisse plutôt bien à expliquer ce concept à la fin, il demande à l'enfant un effort pour comprendre ce qu'il lui est expliqué par rapport à tout ce qu'il s'est passé jusqu'à la résolution. Après, j'essaye de me mettre à la place d'un enfant qui découvre le film sans avoir d'explications durant le visionnage, me souvenant entendre des questions du type "qui est ce personnage ?" ou "qu'est ce qu'il se passe ?"ici et là lorsque je suis allé voir le film au cinéma.


En somme, A Monster Calls et Miraï, ma petite sœur se ressemblent sur beaucoup de points et divergent sur d'autres. C'est principalement le court laps de temps séparant ma découverte en salle du dernier film du papa d'Ame & Yuki et mon revisionnage du film de Juan Antonio Bayona qui m'a permis d’échafauder des rapprochements entre ces deux métrages. En espérant qu'ils vous auront intéressé !


Ma note pour A Monster Calls : 8/10


Ma note pour Miraï, ma petite sœur : 6/10

vic-cobb

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7
6

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