Je ne sais pas vraiment pas où je pourrais commencer avec ce film. Par sa nature inaccessible, Quelques minutes après minuit est le résultat de deux univers sans liens apparents qui s’unissent pour créer une oeuvre à part entière. Adapté du roman de Patrick Ness, le film nous raconte l’histoire de Conor, un garçon de onze ans qui a de plus en plus de difficultés à affronter la maladie de sa mère, l’intimidation de ses camarades à l’école ainsi que la fermeté de sa grand-mère. Tous les soirs, il reçoit la visite d’une étrange créature, venu dans un seul but: le sauver.
Quelque part entre le drame et le fantastique se trouve un endroit où la frontière des deux est tellement fine que le temps semble s’arrêter. C’est ici que se trouve ce troisième film du réalisateur espagnol J.A. Bayona, que vous avez pu découvrir par L’Orphelinat ou The Impossible. Ses précédents films prouvaient son talent pour raconter des histoires profondes en mélangeant les styles. Aujourd’hui, pour narrer cette histoire dramatique, il va emprunter au fantastiques quelques codes pour renforcer son propos. Il n’est pas question de montrer ce petit garçon partir dans une aventure avec ce monstre ou de sombrer dans le drame brutal mais clairement d’accompagner Conor dans une quête initiatique dont la seule mission est de lui apprendre certaines choses de la vie. Conor est trop vieux pour être un enfant mais également trop jeune pour être un adulte. Nous sommes dans l’entre deux, cette phase où l’esprit doit faire face à de nombreux changement, la prise de conscience des notions fondamentales de l’existence. Dans ce contexte instable, le monstre joue un rôle très importants dans l’apprentissage du jeune homme. Il se veut volontairement imposant et dur pour faire comprendre à Conor ce qu’il refuse d’accepter.
La narration est tendre, poétique et émouvante ce qui la rend impossible à saisir. Le film vit constamment, mûrit et s’aventure dans des horizons sombres et délicat à aborder mais il le fait avec une facilité déconcertante. Le propos est dur, comment un enfant de onze ans peut se préparer à perdre sa mère ? Ce qui est intéressant c’est que tout le sujet du film n’est pas la maladie de la mère de Conor mais bien Conor lui même, c’est de lui dont traite le film, tout le reste est secondaire. J.A. Bayona cherche une nouvelle approche et l’histoire lui permet tout ça. Les trois contes racontés par le monstre, chacune ayant un rapport avec un problème rencontré par le jeune garçon, sont mises en scène par des images aquarelles sublimes renforçant le caractère onirique du film et cette facilité qu’il a de naviguer entre le rêve et la réalité. Non seulement son message est fort mais il nous emmène vers une réflexion personnelle, sur le courage, la valeur du chagrin, du deuil mais qu’il est avant tout normal d’avoir des pensées qui se contredisent (je ne veux pas trop en dire sur l’intrigue).
Quelques minutes après minuit fait parti de ces films intenses, ces petites pépites qui méritent qu’on y prête attention. L’expérience qu’il procure est inédite et sait doser le juste milieu pour ne pas se perdre. Parfois la trame principale se confond dans les histoires racontées mais le spectateur s’y retrouve toujours. A travers les yeux de cet enfant, nous apprenons, nous comprenons beaucoup sur notre propre condition, notre façon de penser. A la lisière des deux genres, J.A. Bayona rempli son rôle de cinéaste exceptionnel. A la fois merveilleux et déchirant, cette fable est un coup de coeur en tout point. Sublimé par les performances de Sigourney Weaver, Felicity Jones et surtout de la révélation Lewis MacDougall, cette fable fantastique dévoile une rare intensité émotionnelle.
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