Croisement de solitudes

Désolé de l'énoncer aussi abruptement mais il est indéniable que la démence sénile progressive est un moteur narratif formidable avec son imprévisibilité, son côté absurde et son caractère dramatique. Le premier long-métrage de la cinéaste panaméenne Anna Endara s'en nourrit forcément mais c'est pour mieux y infuser des éléments autres, avec une grande délicatesse et non moins de subtilité. C'est un film sur la rencontre de deux solitudes, celle d'une vieille femme riche et malade et celle d'une immigrée enceinte, en quête de régularisation. Le décor, quasi unique, d'une grande maison, avec ses miroirs et ses portes coulissantes, et d'un jardin d'orchidées où vivent en cage deux superbes perruches. Le film ne serait pas le même sans deux interprétations exceptionnelles, de Jenny Navarrette, presque inconnue jusqu'alors et, surtout, de Paulina Garcia, géniale actrice chilienne (et directrice de théâtre) que l'on a pu voir notamment dans Gloria et El Presidente. Présenté au Festival Latino de Biarritz, en présence de sa réalisatrice et de ses deux actrices principales, cette coproduction entre le Panama et la Colombie mériterait une belle sortie dans les salles françaises, pour son humanité, sa sensibilité et la douceur de dentelle de son récit. Espérons.