Avant d'inventer le mélo flamboyant, Douglas Sirk a donné dans la comédie quasiment musicale, parfois même chantante, sur un rythme enlevé de bon aloi. Un vieil excentrique millionnaire prépare son testament, en faveur de la famille qu'il n'a pas eue avec la belle de sa jeunesse, qui en a épousé un autre. Bourrelé de regrets, il envisage de transmettre sa fortune aux descendants de sa dulcinée, mais pas avant d'avoir fait leur connaissance et évalué leur aptitude à garder la tête froide sous ces montagnes d'argent qui vont leur tomber dessus. Sur ce prétexte plutôt tordu, Sirk brode une petite fable morale plutôt sympathique, avec déjà Rock Hudson, qui deviendra ultérieurement son acteur fétiche. Notre petite compagnie n'est pas sans m'évoquer la famille de Marty Mc Fly, dans Retour vers le futur, tant elle incarne une Amérique d'Epinal, si je peux me permettre l'image, idéalisée et profilée pour irriguer l'imaginaire mondial. Mais Sirk, fidèle à lui-même, en profite malgré tout pour épingler la superficialité et l'avidité des classes sociales les plus aisées, qui apparaissent ici comme des nids à snobinards hypocrites et volontiers parasites, ne consentant à des unions exogènes qu'à condition de profits avérés. Le vieux renard millionnaire qui mène la danse, acariâtre et coriace, mais doté d'un cœur tendre, ne s'en laisse pas conter et apporte à ce récit la note moralisatrice qu'il faut, ni trop appuyée ni trop austère. Un bon petit film, en somme, avec les prémices des plans automnaux qui feront la réputation de Sirk dans ses productions postérieures.