Produit par Steven Spielberg à une époque où le divertissement familial avait une sacrée pêche, "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" nous rappelle à quel point Robert Zemeckis fut un expérimentateur de génie, jouant avec la mise en scène et le montage comme un véritable apprenti sorcier, poussant la technique de l'époque dans ses derniers retranchements. Oui, "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" est une date dans l'histoire du cinéma en plus d'être un grand film.
Adapté du roman de Gary K. Wolf, le film de Zemeckis est un modèle d'écriture, s'ouvrant sur un bel hommage aux cartoons en tous genres pour ensuite bifurquer vers le pur film noir, détournant ses codes dans un joyeux bordel tout en faisant preuve d'un respect immense. Privé alcoolo, vamp, coups fourrés, tout y passe, mais déformé par une folie ambiante aussi hilarante qu'effrayante, tant le côté borderline de ses êtres d'encre peut mener à tout.
Mené à cent à l'heure et proposant pas moins de mille idées à la minute (jusque dans ses arrières plans), "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" est un tour de force technique qui mérite le respect, constamment inventif et jamais crétin, réunissant dans le même film des icônes animées issus des plus grands studios (Disney, Fleischer, Warner...), allant de Bugs Bunny à Mickey Mouse en passant par Betty Boop ou Sam le pirate, autour desquelles gravitent de pures inventions mémorables (Roger Rabbit et sa plantureuse femme Jessica) et de grands acteurs de chair et d'os, Bob Hoskins et Christopher Lloyd en tête.
Relique d'une époque malheureusement révolue où l'on n'avait pas peur d'expérimenter, "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" est un film fou et frappadingue, rencontre dégénérée entre Sam Spade et Vil Coyote, qui aura illuminé mon enfance et qui continue à me faire rêver.