Le film s'ouvre sur un dessin animé tonitruant où nous voyons Roger Rabbit, un lapin aussi sympathique que gaffeur, enchaîner les pitreries et les chutes. Tout à coup, le cartoon se coupe et c'est là que nous voyons ce personnage dessiné quitter le plateau de tournage pour se mouvoir dans le monde réel du Los Angeles des années 40. à cette époque, la ville baigne dans une ambiance de film noir où le crime et le vice font partie intégrante de l'industrie hollywoodienne.
Sous nos yeux, se crée le mariage de deux genres cinématographiques...
Le postulat de base de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? est à première vue aussi intrigant qu'interpellant. Il faut dire qu'il peut paraître sur papier assez étrange de voir les personnages de Disney et les Looney Tunes évoluer dans un univers semblable à celui décrit dans les oeuvres de Raymond Chandler et ce, tant ces deux genres ( le cartoon et le film noir) sont différents, le premier s'adressant aux enfants et le second, à un public adulte averti. Mais en y réfléchissant bien, on se rend compte que ceux-ci sont bien plus liés qu'on ne le pense. En effet, le cartoon et le film noir sont deux créations d'Hollywood ayant connu leur grandes heures de gloire plus ou moins à la même époque. Dans les années 40, le spectateur décidant d'aller au cinéma pour découvrir Le Grand Sommeil était certain de voir lors de l'entracte un cartoon de Tex Avery. Diffusés l'un à la suite de l'autre, il n'est donc finalement pas si surprenant que cela de voir ces deux types d'oeuvres finir par fusionner.
Cependant, introduire dans un film familial produit par Disney les thèmes du meurtre, du chantage et du sexe constitue une véritable gageure. C'est comme si, en quelque sorte, Zemeckis se retrouvait dans la même position que les réalisateurs de l'époque qui étaient confrontés au Code Hays ( code d'auto-censure interdisant les références sexuelles et violentes explicites dans un film). Comme ses prédécesseurs, Zemeckis doit alors livrer une mise en scène extrêmement suggestive et au final, même si le ton de son film reste léger et parodique, il parvient tout de même à nous transmettre l'ambiance si caractéristique des polars noirs grâce à son histoire de meurtre, d'arnaque et de femme fatale. Il se permet même d'insérer des allusions osées et des messages cachés assez drôles ( le fameux tag dans les toilettes, l'entrevue privée entre Acme et Jessica Rabbit,etc...).
Avec ce film, on se retrouve donc un Los Angeles sombre dans lequel évolue les personnages des dessins animés de notre enfance. Véritable petite révolution technique pour l'époque, Zemeckis arrive parfaitement à insérer ses Toons dans le monde réel et se permet même de réunir sur le même plan et pour quelques secondes, les grands rivaux que sont Bugs Bunny et Mickey Mouse.
Qui veut la peau de Roger Rabbit constitue donc un excellent divertissement familial proposant un univers unique dans lequel le loufoque côtoie le meurtre et la luxure. That's all Folks !