Assistante camera sur quelques films, et chef op sur de « tous petits films » comme elle le dit elle-même, Marianne Tardieu a fait son « big move » vers la mise en scène avec ce premier film, Qui Vive.

Filmé au printemps 2013, le film vient seulement de sortir à l’écran. A l’époque, Adèle Exarchopoulos n’était qu’une actrice débutante qui venait de tourner dans La Vie d’Adèle, le film d’ Abdellatif Kéchiche. En revanche, ces deux dernières années, Reda Kateb a le statut de l’acteur incontournable : il a tourné dans Gare du Nord de Claire Simon, Hippocrate de Thomas Lilti, ou encore dans Guillaume et les garçons à table ! de Guillaume Gallienne.
Les voici donc réunis par Marianne Tardieu dans un film de genre, le film de banlieue, un genre qui appelle par excellence un traitement naturaliste. Mais la sincérité du propos de la réalisatrice, ainsi que son empathie envers ses personnages empêchent le film de ne rester que ça, et de sombrer vers la pâle imitation de la vie de banlieue, avec les stéréotypes que cela pourrait charrier.

Qui vive raconte l’histoire de Chérif , un jeune homme mal dans sa peau, mal dans sa vie, vigile pour gagner sa croûte, mais rêvant de devenir infirmier, apparemment sans grande conviction non plus, car il passe le même examen pour la 4ème année consécutive. Chérif est un homme à la croisée des chemins, laissant derrière lui un passé en compagnie de camarades plus ou moins honnêtes (dont le personnage joué par Rashid Debbouze qui confirme ses talents d’acteur après son rôle remarqué dans la Désintégration de Philippe Faucon), et avec comme perspective ce qui semble être des choix de vie, mais qui ne sont en réalité que des simulacres de choix, sous contrainte d’un certain déterminisme social. Obligé de vivre chez ses parents à 30 ans bien tassés, forcé d’accepter un travail qui ne lui plaît pas, qui l’oblige à mettre une cravate pas n’importe comment, ni n’importe laquelle, un travail dans lequel il s’étiole au lieu de s’épanouir. Comme représentant de l’ordre mercantile, il ne se sent certainement pas à sa place. Et il donne la nette impression de ne se sentir à sa place nulle part.

De fait l’inquiétude suggérée par le titre du film se lit en permanence dans ses yeux, devant des parents pour lesquels il a du respect, mais peut-être du mépris, mais peut-être de la honte, devant des employeurs le plus souvent intransigeants et secs, même s’il apprend à se rapprocher de l’un d’eux dans une relation graduellement amicale, à défaut d’être pleinement humaine, devant ces jeunes de banlieue surtout qui le harcèlent sur son lieu de travail, des jeunes désœuvrés qui symbolisent ce qu’il ne veut plus être, ce qu’il aurait envie de fuir.

La rencontre avec Jenny (Adèle Exarchopoulos), une jeune femme douce mais solide allume enfin autre chose dans ses yeux, une fierté d’être à son bras, une motivation pour ses projets d’étude, un espoir d’une autre vie. Mais ici encore, Chérif s’empêtre dans ses décisions.
Malgré sa présence toujours aussi magnétique, Adèle Exarchopoulos paraît faire de la figuration de luxe en comparaison avec de ce qu’elle faisait dans La Vie d’Adèle, tant son rôle n’a pas beaucoup de consistance. Elle le reprend vaguement par le petit bout de la lorgnette, en étant cette fois-ci encore animatrice pédagogique pour de tous petits et amoureuse d’un de ses collègues…Son personnage, Jenny semble penser que Chérif n’est pas une personne pour laquelle il vaudrait le coup de se battre.

Le film était prometteur, mais il est hélas inabouti. La mise en place est laborieuse, gérée à coups d’ellipses qui relient de petites saynètes de la vie de Chérif et de son entourage : Chérif au foot, Chérif au centre commercial, Chérif à la maison, Chérif avec les enfants et avec leur monitrice Jenny... Ces petites touches éclairent la complexité du personnage, ses ambivalences aussi, mais la manière est maladroite et molle, et donne l’impression que le film ne démarre jamais vraiment. A la suite d’évènements tragiques qui interviennent au milieu du film , il bascule vers une sorte de thriller sans en avoir l’énergie nécessaire, et sans l’intensité du jeu de Reda Kateb qui donne de la profondeur à un personnage très introverti dans un univers qui ne lui permet pas de s’exprimer, on pourrait assez vite sombrer dans l’ennui. Le film de Marianne Tardieu repose sur lui, sur Adèle Exarchopoulos et sur ses autres acteurs, mais il lui faudra sans doute plus que cela pour qu’elle réussisse le test d’un deuxième film éventuel…
Bea_Dls
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le 19 nov. 2014

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Bea Dls

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