Le titre, Quiz Show. Robert Redford. Une histoire (vraie) de jeu télévisé truqué. On pourrait croire, de prime abord, qu'il s'agit uniquement d'un film dévoilant les dessous d'un empire médiatique fondateur de l'Histoire des États-Unis. Tourné en 1994 et se référant à un épisode des années 50, il serait tentant de ne voir dans ce Quiz Show qu'une sorte de Network (1976) en retard sur son époque. Mais, et c'est une vraie surprise, loin de se cantonner aux dérives télévisuelles d'une émission manipulée par ses producteurs esclaves de l'audimat, Robert Redford s'intéresse aux thématiques croisées de l'ambition sociale et de l'illusion du rêve américain.
La démarche a cela d'appréciable qu'elle n'est ni ouvertement démonstrative, ni obtuse. Elle dégage une certaine sobriété, mais fait tout de même preuve d'une conviction certaine. Quiz Show adopte les points de vue de trois personnages successifs, trois personnes au cœur d'un scandale lié au trucage d'un jeu télévisé très populaire aux États-Unis, "Twenty One". Un champion du jeu (John Turturro) de la classe moyenne, à la popularité en baisse, dont l'éviction sera précipitée par les producteurs au profit d'un professeur et fils de poète et autres grands lettrés (Ralph Fiennes), et la personne en charge de l'enquête (Rob Morrow, dans la peau de Dick Goodwin à l'origine du livre que Redford adapte ici).
Trois figures ambivalentes au cœur d'un processus d'identification dynamique, autant de points de vue qui se multiplient pour brosser un portrait multiple, dénué de tout manichéisme. Même la figure de l'enquêteur, diplômé de Harvard, ne bénéficie pas d'une intégrité irréprochable : à de nombreuses reprises, on le sent fasciné par le personnage du professeur, tout à fait disposé à l'excuser. Comme lui, par identification, on serait tenté de trouver des circonstances atténuantes à cette belle personne, qui certes a menti au public et aux autorités, qui certes a bénéficié du même régime de faveur (ie, de la triche) pour conserver son statut de champion de l'émission, mais qui a tout de même moins menti que les autres, lui, l'homme de lettres beau et intelligent qui connaissait pratiquement toutes les réponses sans tricher. Quelque part, lui donner les questions ou les réponses à l'avance n'était qu'une simple précaution presque inutile, non ? Mêmes les juges sont tombés sous son charme lors de son témoignage, au cours du procès qui n'incriminera aucune personne haut placée. "I've stood on the shoulders of life and I've never gotten down into the dirt to build, to erect a foundation of my own. I've flown too high on borrowed wings. Everything came too easy." De bien belles paroles, mais surtout une arme de persuasion massive.
Ce sont là des sentiments complexes, un cocktail subtil qui nous laisse une latitude confortable pour l'apprécier. Derrière l'ambition sociale manifeste des candidats, un certain désir de puissance les pousse innocemment à fermer les yeux sur leur propre éthique individuelle. Les désillusions suivent de près les illusions, et c'est au tour d'une certaine partie du rêve américain d'être égratigné, tout en délicatesse. Un système qui s'approprie la perception de ses administrés en imposant la figure rassurante d'une personne cultivée, tout en lui laissant croire qu'il s'agit là d'un processus naturel. Une illusion de supériorité culturelle tellement écrasante qu'elle parviendra même à flouer la justice, brisant ainsi une autre illusion, celle de l'impartialité de la loi à travers les classes sociales.
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