Pétard mouillé.
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Rabia, projeté en avant-première lors du festival des Oeillades à Albi, est un film intense qui explore le parcours d'une jeune femme française Jessica, en quête de sens, attirée par l'idéologie de Daesh. Elle part avec son amie Laïla (Nathacha Krief) en Syrie pour se marier avec un combattant de l'organisation et offrir une descendance aux « soldat de Dieu », confrontant son identité culturelle à sa croyance radicale. Le film explore avec une grande acuité les mécanismes du totalitarisme et la manière dont il exploite les failles humaines pour imposer une idéologie extrême.
L'héroïne Jessica, interprétée par Megan Northam, est convaincante dans son rôle ambivalent, entre soumission et rébellion sur l'identité et la quête de reconnaissance. La directrice du centre (jouée par l'excellente Lubna Azabal), un lieu voué à la satisfaction des combattants de Daesh, est une autre figure marquante du film. Cette madame « Claude » incarne la cruauté sous une forme insidieuse, où la manipulation psychologique et l'endoctrinement se masquent derrière des gestes doux et des paroles mielleuses. Cette ambivalence entre douceur et férocité est habilement exploitée pour montrer la redoutable efficacité de la manipulation. Ce contraste entre la violence physique et psychique renforce la portée du film, montrant l'efficacité du lavage de cerveau.
Le film, par certains moments, prend les allures de documentaire tant la mise en scène de la violence psychologique et de l'endoctrinement est palpable. Les scènes parfois très dures ne laissent place à aucune complaisance, faisant ressortir la brutalité du processus de radicalisation. En effet, Rabia ne se contente pas de relater un simple voyage vers le fanatisme, il s'intéresse par le dialogue de la directrice avec ses pensionnaires, aux raisons profondes qui poussent les individus à se détourner de leur propre culture pour s'immerger dans un univers de violence et d'extrémisme.
Au delà de l'histoire personnelle de l'héroïne, le film soulève des questions essentielles sur le besoin de repères et d'identification dans un monde du plus en plus fragmenté. Il interroge aussi la facilité avec laquelle les jeunes peuvent être séduits et manipulés par les réseaux sociaux, outils puissants de diffusion de la propagande. Rabia me en lumière la difficulté de sortir d'un endoctrinement qui semble, pour ceux qui le vivent, être une vérité absolue. Et lorsque la prise de conscience survient, la fuite n'est qu'une illusion, car elle peut mener tout droit à la mort.
Cependant, la représentation des personnages masculins, réduits à des combattant de Daesh, limite un peu la richesse du film. L'absence de diversité des figures masculines laisse un vide dans l'exploration des rôles masculins. De plus, le personnage de la directrice, bien qu'intéressant, aurait gagné à être davantage approfondi, notamment sur ses relations économiques avec Daesh. Son radicalisme et sa manipulation, plus insidieux, auraient pu être davantage développés.
En conclusion, Rabia est un film captivant, qui soulève des questions importantes sur l'endoctrinement, la quête d'identité et l'influence des réseaux sociaux. Mais au-delà, il illustre la dualité de l'être humain, capable de douceur comme de cruauté. Le film interroge avec subtilité le moment où une victime broyée par la manipulation et le système, cesse de l'être pour devenir à son tour bourreau. Cette bascule insidieuse et tragique est bien mise en scène par le premier film de la réalisatrice Mareike Engelhardt, Une belle réussite.
Créée
le 26 nov. 2024
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