Sa grande carrière d'acteur a occulté celle de réalisateur, mais Paul Newman a réalisé 5 films dans sa vie. "Rachel, Rachel" est son premier et son héroïne est sa femme dans la vie, Joanne Woodward et la petite fille qui joue son rôle enfant est une de leur propre fille. Partant de ce constat, on aurait pu craindre un film familiale complaisant envers sa femme de la part de Newman. Il n'en est rien. Joanne Woodward y joue un rôle particulièrement complexe d'une fille névrosée, qui ne la flatte pas beaucoup, mais qui lui vaudra un Golden Globe. Quant à la mise en scène de Newman, elle reflète bien son époque et l'émergence de ce qu'on appellera le Nouvel Hollywood. Des plans osés à la limite de l'expérimental, tel les visions phobiques de Rachel, tournées en 8 mm. Mais aussi des plans magistrales comme le plan d'ouverture dont la fluide simplicité cache une complexité technique digne de Fritz Lang. Quant au sujet, là aussi, Newman ne fait pas dans la facilité d'un film populaire, "Rachel, Rachel" est un vrai film d'auteur américain, traitant de sujets encore peu vu à Hollywood, l'émancipation, la psychologie féminine, les frustrations sexuelles, les désirs inavouables, l'homosexualité féminine et une vision déjà lucide des dérives religieuses des reborns américains. Tout ça dans le même film... wouaw !