Noyaux instables
Radioactive ose esthétiser le biopic, irradier en quelque sorte le biographique d’une inventivité formelle composée de filtres colorés, de plans étrangement cadrés, d’une musique mi classique mi...
le 2 mai 2020
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Paris,fin du 19e Siècle.Maria Sklodowska,brillante physicienne polonaise,a du mal à mener ses recherches car elle s'est mise à dos les autorités scientifiques,qui goûtent peu son caractère ombrageux et sa franchise irrespectueuse.Heureusement elle rencontre Pierre Curie,qui travaille dans le même domaine et l'associe aux travaux menés dans son laboratoire.Ils tombent rapidement amoureux,se marient et écriront ensemble les plus belles pages des avancées mondiales en matière de physique et de chimie,découvrant le radium,le polonium et la radioactivité,Marie raflant au passage deux Prix Nobel,celui de physique,avec Pierre,en 1903,et celui de chimie,seule car elle était veuve depuis 1906,en 1911.Curieusement,ce sont les anglais de la Working Title,Bevan et Fellner,qui rendent ici hommage à cette gloire nationale française.Ils ont confié la réalisation à l'iranienne Marjane Satrapi,auteur de BD passée à la réalisation d'animation en 2007 avec "Persepolis",puis au cinéma live,"Radioactive" étant sa dernière oeuvre en date.Il s'agit d'un de ces films victimes du Covid,l'épidémie ayant annulé presque toutes ses sorties en salles,l'exploitation s'étant principalement faite par le biais de la VOD.Les biopics,ça peut être rigolo quand on retrace les vies de chanteurs,d'acteurs,voire même de politiciens,mais le biopic de savants ça craint.Non que ces personnes ne méritent de voir leur existence racontée,au contraire ils le méritent bien plus que les autres,mais leur secteur d'activité est plutôt anti spectaculaire.Voir des gens bidouiller des éprouvettes ou des appareils dont on ne pige ni l'utilité ni le fonctionnement,c'est moyen cinématographiquement parlant.On comprend ce qui a pu motiver Satrapi dans sa décision d'adapter le roman graphique à l'origine du film,il s'agit bien sûr de ce bon vieux féminisme,dont Marie Curie présente une version tout-à-fait convaincante.Du reste la cinéaste ne s'en sort pas trop mal,couvrant tous les aspects d'une vie pas ordinaire sans se cantonner à la seule dimension scientifique.Déjà,on sent la plasticienne derrière la caméra,Marjane utilisant des angles originaux et efficaces tout en travaillant efficacement le visuel.Avec la complicité de l'opérateur Anthony Dod Mantle,une pointure dans son domaine,elle impose une forte identité esthétique à base de lumières contrastées,de clairs-obscurs,d'éclairages indirects et de jeux d'ombres.Sur le plan narratif,c'est un peu moins bon,trop lent surtout vers la fin, mais la carrière de Marie la polonaise est assez fidèlement retracée.L'histoire d'amour fou avec Pierre,coup de foudre sentimental et professionnel,est très crédible,et la dureté des travaux menés par ces pionniers de la science moderne,dans la lignée de Becquerel,est montrée sans fard.Loin des labos modernes et confortables d'aujourd'hui,ces gens bossaient dans des lieux exigus,non sécurisés,sans protection,avec du matériel moyennement performant,maniaient à longueur de journée des produits lourds et souvent toxiques qui ont d'ailleurs fini par impacter leur santé,mais ils avaient la passion chevillée au corps.Du reste Pierre,qui mourut accidentellement à 47 ans,était avant sa mort atteint d'une toux persistante et crachait du sang.Et puis il y eut les doutes sur le bien-fondé de tout ça.Ces découvertes majeures engendrèrent des progrès considérables mais paradoxaux entre le traitement des cancers et l'invention de la bombe atomique.Ceci dit,tôt ou tard la radioactivité aurait émergé,Curie ou pas.Des plans de coupe apparaissent ainsi,d'un service d'oncologie à Tchernobyl,en passant par les expériences atomiques du désert américain et Fat Man et Little Boy vitrifiant le Japon.C'est toujours comme ça le progrès,tout dépend comment on l'utilise.Rosamund Pike est à fond et incarne merveilleusement Marie,démontrant qu'elle est performante dans un éventail très large de registres.Sam Riley est très bon dans le rôle de Pierre,cet homme amoureux et d'une curiosité insatiable.C'est l'excellente Anya Taylor-Joy qui campe leur fille aînée Irène,les Curie en ont eu deux,qui prit le relais de ses parents et devint une grande chimiste,obtenant elle aussi le Nobel de la spécialité en 1935 avec son mari Frédéric Joliot,quelle famille!Aneurin Barnard est également parfait en Paul Langevin,autre grand physicien de l'époque et ami des Curie,qui eut après le décès de Pierre une liaison avec Marie qui fit scandale en cette période machiste et xénophobe car l'homme était marié.
Créée
le 4 mars 2022
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