La rage qui transforme en zombie n'est pas un concept nouveau comme les films 28 jours plus tard ou REC pourraient le laisser penser. En réalité Cronenberg nous le présentait ici, au travers, d'une fois n'est pas coutume, une femme étant la cause du mal.
Dès le début, l'auteur spécialiste du malsain qui vous retourne l'estomac nous impose un humour particulier, toujours en rapport avec la médecine, nous présentant une clinique de chirurgie esthétique, avec ses habitants riches, froids et empapillotés dans leurs bandages, auxquels seront ajoutés de subtils détails comme le joggeur portant un maillot « Jogging Kills ». Puis, après cette courte introduction, Cronenberg lance sa machine, où notre jeune accidentée, développant une maladie suite à une greffe de peau experimentale, la refile aux occupants, avant de s'enfuir afin de rejoindre la ville, sans pour autant que l'on connaisse ses intentions. C'est d'ailleurs dans cette interrogation que réside une bonne partie de l'intrigue du film, nous ne savons jamais ce que pense cette jeune femme, si elle est consciente ou non de son état, et si oui ou non elle contamine volontairement la population, ce qui ne sera finalement révélé que lors des dernières minutes de la pellicule.
Efficace sans être son oeuvre absolue, Cronenberg nous livre un produit intéressant, mais manquant un peu d'aboutissement. Nous aurions d'ailleurs presque l'impression de voir le premier épisode d'une saga, tant le final est abrupte et les choses n'ont finalement que peu le temps de décoller. Il y a quelques scènes de panique, une mise en place de la loi martiale ainsi qu'un système de filtrage des vaccinés, et évidemment un climat d'oppression au travers de la peur de l'autre, mais il subsiste malgré tout un sentiment d'oeuvre inachevée.
Bref, Rage est un produit intéressant, mais a du mal à tenir la comparaison face à ses aînés comme par exemple La nuit des morts vivants. Cronenberg ne va pas au fond des choses, ou n'en a pas eu le temps, et l'aventure parait-être un coup d'essai dans une nouvelle direction, s'éloignant de son précédent film, pourtant proche, Frissons. La chose nous sera d'ailleurs confirmée par la suite, avec Chromosome 3, une de ses meilleures oeuvres, où la mère ne devient plus celle qui donne la vie, mais enfante la Mort dans sa plus terrible forme.
On appréciera néanmoins la part qu'il aura réussi à consacrer à l'étude de l'éradication de la maladie, allant au plus simple. Les autorités considèrent que c'est la rage, sans en avoir la preuve (un moyen de rassurer la population sans perdre la face), et abattront les contaminés, en plus d'autres solutions drastiques, quitte à commettre des erreurs (l'assassinat du Père Noël en est le meilleur exemple).
Reste un casting assez amateur, dont Marilyn Chambers, ancienne star du porno, qui interprète la contaminée, plate et sans aucune saveur (ce qui d'un autre côté rend impossible au spectateur de savoir ce qu'elle pense), bien que contrebalancée par quelques seconds rôles bien plus compétents, dont Joe Silver, déjà présent dans Frissons, et Robert A. Silverman, que l'on retrouvera dans la presque totalité de ses oeuvres.
Pour conclure, les fans de Cronenberg trouveront ici quelque chose permettant de mieux comprendre l'auteur, en découvrir ses centres d'intérêts (hôpitaux, manipulations génétiques...), et évidemment se distraire avec un film de contamination somme toute appréciable. Les autres auront du mal à adhérer à son survol des choses et son action manquant un peu de rythme, malgré quelques scènes de panique plutôt réussies (notamment celle du métro).
Mention spéciale pour Brian Bennett, compositeur inconnu, et sans le savoir celui de ce film. En effet, aucun artiste n'est crédité, si ce n'est Ivan Reitman en tant que superviseur musical. En réalité, la bande-son est composée de cinq titres que Bennett avait publié à l'époque sur des enregistrements libres de droits, et que l'on retrouvera d'ailleurs dans d'autres films (dont Black Dynamite, entre-autres).
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