Raï
4.5
Raï

Film de Thomas Gilou (1995)

Titre mensonger pour petite comédie des 90s

Mensonger car le style musical qui donne son titre au film n'est présent qu'en pure illustration musicale.


Vu de 2020 et donc sans aucune nostalgie qui pourrait surcoter cette œuvre on peut objectivement l'analyser sans tomber dans les deux bouts de l’extrême, avec d'un côté la vénération propre à ces films mythifiés que l'on voit en boucle à l'adolescence, et qui quelque part nous construisent, et de l'autre la cynique exagération des défauts qui empêchent de voir le tableau complet, surtout comparée à d'autres métrages de la même époque sur les mêmes sujets.


Le film est donc raisonnablement drôle (ce qui est dramatique pour une comédie) mais loin d'être exceptionnel.


On y suit une petite bande de cité, pas des scarfaces, pas des anges non plus, juste quelques jeunes désœuvrés dans ce qu'il était alors de bon ton d'appeler la galère.


On y croise quelques archétypes, le toxico de banlieue joué par Samy Nacéri, la bimbo de quartier qui peine à trouver sa place et sa liberté dans cet univers ou ce sont l'homme, la religion et l'honneur (vidé de sa substance) qui dictent leur loi.


Quelques bonnes répliques, parfois fraiches et légères, quelques situations vraiment drôle (le vol et la séquestration d'un vieux bourrin destiné à l'abattoir, par exemple), mais tout cela reste quand même très caricatural, pas de grosse surprise pour le créateur de la saga de "la vérité si je mens".


J'ai souvent vu ce film dans les bacs de vhs en promo ou dans les sélections de club type "Club Dial", j'ai donc voulu savoir ce qu'il en était de ce film "générationnel", et au final on n'est ni surpris par une œuvre majeure mésestimée ni déçu par un navet qui surferait sur une jeunesse datée.


Samy Nacéri est convaincant (jusqu'à la scène dans laquelle il pleure, pendant laquelle j'ai eu la même envie, mais pas par empathie) et plutôt marrant dans son rôle de junkie banlieusard, sans aucun doute son meilleur rôle.
Tabatha Cash est sublime, sans vouloir l'objectifier, mais joue vraiment très mal, et on sent bien la plus valu qu'à voulu donner au film le réal du fait de son statut sulfureux tant il s'évertue à vouloir nous la montrer nue à la moindre occasion (ou l'a-t-il choisie car le rôle demande une personne de ce type ?). Dommage car cette femme me parait être quelqu'un de particulièrement intelligent et la réduire à son physique ou à son aura d'ancienne pornstar me parait dommageable (et cela restera sa seule expérience dans le cinéma non X).
Avec quelques cours de comédie et un oubli partiel (au moins pour les rôles offerts) de son passé pornographique par les pros elle aurait sans doute pu avoir une carrière d'actrice mainstream correcte, tant elle irradie de charisme (ouais, je l'aime bien), surtout en comparaison d'autres actrices fadasses qui enchainent les grands rôles sans autre talent que d'être bien nées (je pense très fort à Léa Seydoux là, qui elle a pu se payer tous les cours par les amis de la famille, ouais, je l'aime moins).
Le rôle qu'elle joue, mais aussi ceux de tous les autres protagonnistes, auraient pu être l'occasion d'une vraie réflexion fine sur le poids de le tradition et de l'homme dans l'émancipation féminine et le déchirement insoluble entre tout être humain et le carcan social du rôle imposé par la société et le milieu dans lequel on vient au monde (on y revient...), mais j'en demande sans doute beaucoup à ce qui reste une comédie somme toute assez légère.


Par contre le propos du film, assez caricatural, se perd dans la narration qui ne sait pas si il s'agit d'un film qui dénonce ou juste une tranche de vie et tombe carrément dans le vraiment pas crédible quand


Jamel, la voix de la raison, après avoir exhorté ses amis à ne pas tomber dans la vengeance aveugle suite à la mort de son frère fini néanmoins par prendre une batte et à en appeler au saccage du commissariat voisin et ce à quelques minutes (ou secondes) d'intervalle à la toute fin du film


annihilant par la même toute possibilité de morale à cette sombre histoire, ce qui pourrait être une bonne chose, sauf que cela ne semble pas être une intention claire et procède plus certainement d'un défaut scénaristique qu'autre chose.


Le film passe bien, on passe un bon petit moment.


C'est surtout un bon prétexte à militer pour un retour en grâce de Tabatha Cash, pour ne pas dire à la réhabiliter.

frosto
6
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le 3 juin 2020

Critique lue 753 fois

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