Filmer la rencontre de deux frères ne s'étant jamais connus peut être banal. Sauf si leur séparation est due à l'handicap mental de l'aîné, autiste, et s'il est interprété par Dustin Hoffman. Cela donne alors "Rain man", chef d'oeuvre du cinéma américain. Il mythifie un peu plus l'aura de l'acteur et amplifie celle d'un réalisateur efficace, Barry Levinson.
Place, donc, aux frères Babbitt. Charlie (Tom C. voir ma liste "Leur dédier un Top 10 ? Jamais !"), 23 ans, importateur de voitures de luxe, séducteur et bluffeur, a tout du golden boy. Il croit toucher un joli pactole à la mort de son père, avec lequel il a rompu dès ses 16 ans... Il doit déchanter. Il hérite juste de sa superbe Buick. Un autre et mystérieux bénéficiaire a le reste : 3 millions de dollars en dépôt bloqué ! A l'institut où le mène son enquête, Charlie découvre que c'est un frère aîné dont on lui a toujours caché l'existence.
Fin du sacro-saint 1/4 d'heure d'introduction. Raymond Babbitt (Dustin Hoffman) apparaît à l'écran et le film devient phénoménal en raison du personnage et du jeu inouï de l'acteur.
Comme Charlie, qui l'a kidnappé en douceur pour l'échanger contre une part d'héritage, le spectateur n'en finit pas de s'étonner face aux comportements de celui vivant dans "un monde à part". Autiste savant - cas rare - il est handicapé psychologiquement et intellectuellement... mais se révèle aussi anormalement doué par moments. Il mémorise des pages d'annuaire en une soirée, trouve dans la seconde la racine carrée d'un nombre à 4 chiffres et compte 246 cure-dents à peine tombés au sol !
Des situations drôles ou émouvantes ponctuent ainsi le voyage en Buick d'une semaine qui permet aux deux frères de se découvrir et de se rapprocher. Car le plus jeune, s'humanisant peu à peu, va enfin trouver la réponse à un malaise lancinant et fantomatique lié à son enfance... Non ! Même en me laissant carte blanche de goinfrerie gourmande dans une chocolaterie, rien de plus sur Charlie !
La mise en scène de Barry Levinson séduit. mais, vers la fin, son aspect moralisateur on ne peut plus hollywoodien, agace un peu. Tom C. et Valeria Golino en petite amie trop effacée jouent avec efficacité. Mais cela pèse peu au vu de la performance de Dustin Hoffman. Six ans après sa fameuse composition pour "Tootsie", le "grand petit acteur" est au sommet de son art de façon tout à fait sidérante. Il ne fait jamais s'apitoyer, mais s'interroger sur son personnage - autiste read in ! (pour les mordus de la soul) - au sein de la société et c'est prodigieux.
D'où la pluie d'Oscars qui a consacré "Rain man".