There are no friendly civilians

[SanFelice révise ses classiques, opus 22 : http://www.senscritique.com/liste/San_Felice_revise_ses_classiques/504379 ]


Revoir ce premier Rambo, ce First Blood, après avoir subi l'immonde quatrième volume de la série, c'est d'abord et avant tout se dire qu'il y a là un immense gâchis. Un gâchis préjudiciable à l'ensemble de la série, d'ailleurs : lorsque l'on fait des recherches sur Rambo sur Internet, on voit que le film a l'image d'une oeuvre bourrine et idiote, avec des dialogues ineptes et des explosions partout. Il faut revoir ce premier opus pour comprendre qu'au départ, on était très loin de tout ça.
Rambo, c'est un vétéran du Viet Nam. Le fait qu'il soit le seul survivant de sa compagnie, ce que 'lon apprend dès la première scène, laisse déjà comprendre, en filigrane, la violence du conflit. Avec intelligence, Ted Kotcheff ne nous montrera quasiment rien de la guerre elle-même, sinon quelques flashs de souvenirs. Ces images rapides conservent ainsi une force terrible, plus efficace que de longues scènes.
Mais le conflit en Extrême-Orient n'est pas le sujet principal du film. Il cède la place au thème du retour des vétérans, et à l'accueil désastreux qui leur est réservé. Déjà, qu'un ancien soldat se retrouve vagabond, ça laisse un goût amer. On sent déjà l'impossibilité de revenir à une vie normale. Mais l'accueil qui lui est fait dans la petite ville de Hope (je ne dirai rien de l'évidente ironie, pour ne pas dire du cynisme contenu dans ce nom de patelin) en dit long sur le mépris affiché face aux vétérans.
Rambo n'est pas le premier film à traiter de ce sujet. La dernière partie du Voyage au bout de l'enfer parle du retour à la vie civile. Plus loin, il y avait l'excellent film de Walsh, Les Fantastiques années 20, où les vétérans de la Première Guerre Mondiale étaient traités de fainéants qui s'étaient payé du bon temps en Europe pendant que les "bons Américains" travaillaient dur à la maison. Dans le film de Kotcheff, on sent toute la brutalité de cet accueil: cet homme a sacrifié sa vie pour défendre ces péquenots qui maintenant le rejettent.


Les brèves images du Viet Nam ont un rôle précis dans ce contexte : elles permettent d'identifier le shérif Teasle et ses hommes aux ennemis du Viet Cong. Et, ainsi, de remettre rambo dans un contexte de guerre avec, in fine, la transformation de Hope en un champ de bataille.
Le début de ce conflit est assez significatif : Rambo se réfigue en forêt et attire ses "ennemis" sur son territoire. Nous sommes face à une opposition entre la ville et les bois. Si la ville de Hope peut représenter une certaine forme de civilisation, la nature rappelle la sauvagerie de la guerre, sa bestialité. Et le fait que Rambo maîtrise mieux cet aspect bestial prouve bien qu'il n'a plus grand chose de l'homme social.
"En ville, la loi, c'est toi ; ici, c'est moi. T'obstine pas sinon je te fais une guerre dont tu n'as même pas idée", dit-il à Teasle. Et là nous sommes bien au coeur du problème : la guerre, c'est la destruction de la civilisation. Transformé en machine à tuer, rambo est resté un animal, un prédateur. Le retour en arrière vers une vie civile est impossible.
La quasi destruiction de la ville de Hope est un retour de bâton sur une Amérique trop sûre d'elle et trop encline à vouloir dominer le monde à coups de conflits. A force de vouloir imposer sa vision du monde à grand renfort de chars et d'hélicoptères de combat, elle prend le risque que la guerre lui revienne en plein visage et détruise son ordre social. L'Amérique a fait Rambo, et rambo défait l'Amérique.
Nous sommes donc bel et bien face à un film politique, surtout dans cette Amérique de Reagan qui sort à nouveau la rhétorique guerrière.
Et nous sommes face à un grand film, certes brutal, mais passionnant dont, finalement, le seul vrai défaut est de n'avoir pas tué son personnage, ouvrant ainsi la voie à ces suites qui vont ridiculiser Rambo.

SanFelice
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le 3 août 2015

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